19 mars, 2024

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Marc A. Cormier

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2 réflexions sur « Contact »

  1. Permettez-moi une anecdote sur un Saint-Pierrais.

    Les occasions ne manquent pas de rappeler combien la navigation était périlleuse au temps de la marine à voile. C’est un temps où nos ports n’ont pas encore leur configuration actuelle, où ils ne sont (presque tous) que des ports d’échouage, avec un bassin naturel plus ou moins praticable, entre bancs de sable et rochers pas toujours bien balisés, et où les navires doivent être hâlés sur le rivage pour être mis en sécurité. C’est un temps où phares et sémaphores ne sont pas encore construits, un temps où on navigue et où on communique encore uniquement à vue, un temps où le sauvetage maritime n’est pas encore organisé…

    La tempête qui régna sur le Cotentin (Normandie) le jour de Noël 1836 et les jours suivants fut particulièrement meurtrière. Le Journal de Cherbourg du 1er janvier détaille longuement les faits qui se sont déroulés à Cherbourg même.

    Or, parmi les victimes on compte le capitaine Xavier Coste, natif de Saint-Pierre, et peut-être aussi un de ses fils.

    Ci-après l’article principal, in extenso, et ensuite un entrefilet publié quelques colonnes plus loin, plus spécialement consacré au défunt.
    *
    La nuit qui a précédé le jour de Noël à Cherbourg a été une nuit affreuse ; les mugissements de la mer battante sur les grèves qui nous environnent semblaient être les signes précurseurs des désastres du lendemain.
    Au jour, la tempête était encore plus horrible ; les grains, qui se succédaient avec une rapidité effrayante, jetaient une obscurité profonde à l’horizon, et le seul bâtiment qui se trouvait sur notre rade disparaissait au milieu des vagues blanchâtres qui brisaient autour de lui.
    C’était le brick autrichien l’Arno ; on l’aperçoit aujourd’hui en débris sur les rochers qui bordent le vieux fort de Longlet !
    À neuf heures du matin, il y avait foule aux abords du port et de la place d’Armes, du côté de la mer. On voyait au large un navire qui se dirigeait vers la rade par la passe de l’Est. Il paraissait à sec de voiles.
    Bientôt, ce navire donna dans la passe, et traversa la la rade sous son petit hunier ferlé aux bas ris ; il manœuvra habilement pour entre dans le Grand-Port, où il ne tarda pas à être en sûreté. C’était le trois-mâts la France, parti la veille du Havre, destiné pour la Vera-Crux.
    Au milieu du jour, un brick apparut de nouveau entre deux grains ; il se réfugia aussi dans le port militaire. Ce brick, nommé Théodore, partait de St-Valery avec un chargement de blé pour Bordeaux ; il coulait bas d’eau.
    Deux autres bâtiments d’une dimension moins grande vinrent ensuite sous la Digue. Il y avait un dogre de cent tonneaux environ, et l’autre était un chasse-marée.
    vers trois heures après midi, on vit le dogre faire des mouvements pour entrer ; il était alors basse mer, ce qui fit présumer qu’il voulait gagner le port militaire. On remarqua aussi que quelque accident avait dû entraver sa manœuvre, car il abattit sur le mauvais bord, et dès lors l’échouement devint inévitable. Il tomba rapidement sous le vent, quoique le bout tourné vers la terre. Il put néanmoins se diriger vers l’entrée du port de commerce; mais hélas ! tous les malheureux qui le montaient devaient y trouver la mort.
    La tempête était alors déchaînée ; une neige épaisse enveloppait l’horizon, lorsque le bâtiment échoua dans les affreux brisants de l’extérieur du port. Quoique à peu de distance, on ne l’apercevait que par intervalles, comme un point noir mobile, disparaissant à chaque instant à travers la neige, et les vagues qui déferlaient et brisaient horriblement sur lui.
    Dans ce moment, et malgré l’imminence du danger, on vit une péniche sortir des jetées et se diriger à force de rames vers les brisants. C’était encore le pilote Féret et le capitaine Le Nétrel, de Cherbourg. Ils ne tardèrent pas à arriver par le travers du rond-point de la jetée de l’Est, à peu de distance du navire naufragé ; mais malgré des efforts inouïs, ils ne purent traverser les brisants qui menaçaient sans cesse de les engloutir. Ce ne fut qu’après avoir lutté pendant plus de trois heures et couru mille dangers qu’ils revinrent dans le port ; il y avait bien longtemps déjà que le malheureux navire avait complètement disparu.
    Honneur aux braves Féret et Le Nétrel ! Honneur aux braves marins qui les accompagnaient et dont nous donnons plus bas les noms [le pilote Féret, le capitaine Lenétrel, le capitaine Le Frapier, le capitaine Cléret, de Barfleur ; Auguste Sehier, fils du constructeur ; Dancel, marin ; Samson, id. Nous devons dire que c’est le capitaine Le Nétrel, qui, le premier a fait un appel au dévouement de tous, après avoir lui-même préparé l’embarcation]. S’ils n’ont pas réussi à arracher des victimes à la mort, ils n’en méritent pas moins l’hommage public que nous leur donnons. Puisse-t-il être un encouragement pour d’autres à les imiter !
    Malgré l’obscurité de la nuit, la foule qui couronnait le rivage voisin du sinistre se portait successivement sur tous les points où, à chaque minute, la mer jetait quelque nouvelle épave, dans l’espoir que l’on avait de trouver quelques malheureux parmi les débris du navire ; mais ce fut en vain ! pas un seul homme n’échappa à ce triste naufrage ; tous trouvèrent leur tombeau près du port.
    À huit heures et demie, un canot vint échouer sur le plain ; il était vide ! Une boîte à papiers se trouvait dedans ; elle révéla le nom du bâtiment et ceux des infortunés qui le montaient : c’était le dogre la Pauline, de Nantes, capitaine Xavier Coste1.
    À la même heure, un sinistre d’une nature non moins effrayante vint encore ajouter à l’horreur que chacun éprouvait. Des cris au feu ! se firent entendre de toutes parts ; on voyait sortir des flammes de la cheminée d’une maison voisine du port. Les pompes se firent attendre un peu longtemps, et lorsqu’elles furent arrivées, nous remarquâmes à côté de beaucoup de zèle un manque de bonne direction, ce qui retarda un instant les bons offices que l’on attendait. Bientôt cependant elles furent mises en action, et chacun rivalisa d’ardeur pour combattre l’incendie. M. Derubé, capitaine de frégate, qui se trouvait sur les lieux, était un de ceux qui dirigeaient le travail ; nous ne passerons pas sous silence la conduite remarquable de M. Soudeix, commissaire de police, qui, dans cette circonstance, semblait se multiplier; son activité a beaucoup contribué à ce que l’on se soit promptement rendu maître du feu.
    À neuf heures et demie, un nouveau sinistre maritime fut signalé ; un grand bâtiment venait d’échouer sur les récifs qui bordent le fort de Longlet : bientôt on reconnut le brick autrichien Arno. Quelques instants auparavant, la commission sanitaire avait enfin autorisé son entrée dans le bassin ; mais il n’était plus temps, il était déjà sur les rochers !……….. Puisse au moins cet exemple funeste servir d’expérience pour l’avenir ! puisse-t-il empêcher le renouvellement de demi-mesures sanitaires que nous ne qualifierons pas, et qui ne devraient plus être de notre siècle!………….. Nous bornerons là nos commentaires, les faits parlent assez d’eux-mêmes. Nous sommes heurux, toutefois, d’annoncer que personne du bord n’a péri.
    Nous ne terminerons pas cet article sans demanderà quoi sert en rade le cutter le braque, ce mauvais bateau qu’on appelle stationnaire ? Quels services a-t-il rendus dans les divers événements qui ont eu lieu pendant la semaine ? Était-il en rade pour aller porter secours aux navires qui ont échoué sur la pointe N-E du Fort-Royal ? Il n’était même pas à remplir les obligations pour lesquelles on le croyait spécialement destiné. L’Arno était en quarantaine, quoique son équipage fût autorisé à communiquer avec la terre ; il était resté seul en rade sur la foi des traités, tandis que son surveillant était tranquillement amarré dans le port ; et cependant, ce jour-là, s’il y eût au mouillage un bon stationnaire comme le commerce l’a demandé, avec un bateau sauveteur prêt à être dirigé sur le malheureux navire naufragé, ce qui eût été facile puisque le lieu de l’échouement se trouvait sous le vent du mouillage ordinaire, on aurait pu espérer d’arracher huit braves marins à la mort.

    *
    Il existe peu de marins qui, depuis la paix, naviguant dans la Manche, soient connus plus avantageusement que ne l’était l’infortuné Xavier Coste, capitaine du dogre la Pauline ; il réunissait à toute l’énergie d’un homme encore dans la force de l’âge les meilleures qualités du cœur ; il n’est pas non plus un port d commerce où ce nom résonne d’une manière plus honorable. La famille Coste est originaire de Saint-Pierre-et-Miquelon, et la mer semble son seul élément, quoique à diverses époques elle y ait éprouvé d’affreux désastres. On cite partout comme exemple l’attachement fraternel et l’amitié qui se faisaient remarquer entre les frères Coste ; chaque fois que l’un d’eux ou de leurs enfants perdait un bâtiment, ils se cotisaient tous pour lui en donner un autre. Il est rare de rencontrer dans une même famille autant d’union, de probité et de capacités entre hommes de mer. Le capitaine Xavier Coste était veuf avec 4 enfants. Il paraît certain qu’un de ses fils a péri avec lui dans le naufrage.

    Bonne lecture
    C. CANIVET

    1. Sa mort, le jour même du naufrage, ne fait aucun doute. Mais son corps ne sera retrouvé que le cinq janvier. Le hasard voulut qu’il réapparaisse presque sous le bateau d’un de ses meilleurs amis et compatriote, le capitaine de la patache des douanes de Cherbourg. Visage bien connu, Coste a pu être immédiatement identifié, contrairement à son compagnon d’infortune retrouvé en même temps que lui :

      Jeudi dernier, deux cadavres ont été trouvés dans le port du commerce ; l’un des deux était l’infortuné capitaine Xavier Coste ; il se trouvait dans le varech, presque sous l’arrière de la patache commandée par M. Guillebot, un de ses compatriotes et de ses meilleurs amis.
      Les derniers devoirs ont été rendus de manière à prouver combien le capitaine Coste était aimé de ses collègues : dés le matin du jour de l’inhumation , presque tous les bâtiments, de commerce qui se trouvent dans le port et dans le bassin ont arboré leurs pavillons à mi-mât , et lorsque le convoi est parti pour le conduire à son dernier asile, une foule de marins et d’habitants de la ville l’accompagnaient ; quatre capitaines portaient les coins du poêle.
      L’autre cadavre est présumé être celui du nommé Barré (Antoine), né au Croisic ; il faisait les fonctions de second à bord de la Pauline ; le même convoi l’a transporté à sa dernière demeure (Journal de Cherbourg 08/01/1837).

      Voir les actes de décès des intéressés . Un jugement devra être rendu l’année suivante pour corriger « l’excès de précaution » de l’officier d’état-civil
      AD 50 – Cherbourg – D – 1837 – vue 5

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