Un peu de notre Histoire (183)
Foyer paroissial n° 191 : 15 novembre 1939, 211-212.
1841 à 1845 inclus
Passons maintenant au sinistre qui fit couler, en France, bien des larmes dans les familles des pauvres disparus.
NAUFRAGE de la « VEDETTE ». 1841.
A cette époque, mon grand père habitait Miquelon. Il m’a souvent raconté, jadis, ce sinistre ou tout au moins ce qu’il avait pu en voir.
Voici ce récit dans ses grandes lignes.
Dans la journée du 5 octobre, le temps qui était déjà brouillé s’annonça dans la nuit, catastrophique. Vers une heure du matin la tempête faisait rage ; le vent du S. O. hurlait comme il sait le faire dans nos parages.
A ce moment et à intervalles plus ou moins rapprochés, on entendit trois ou quatre coups de canon, puis plus rien … plus rien que le vent. Au petit jour toute la population se porta sur le rivage de la côte ouest. La mer était démontée, les lames s’entrechoquaient ; l’ensemble, vu de si bon matin, était plus tragique qu’en plein jour. De nombreux débris, espars, morceaux de bordage, lambeaux de toile, de mâts, etc. etc. étaient rejetés au plain, tout le long de la côte.
Nul doute, un bâtiment avait fait naufrage ; et les commentaires allaient leur train. On s’interpellait. Quel était ce navire ? A quelle nationalité appartenait-il ? Était-ce un bâtiment de commerce ou de guerre ? Où avait eu lieu l’échouage ? On ne voyait rien à l’horizon, rien sur la côte. Un prochain avenir allait répondre à toutes ces questions.
En effet, dans le courant de l’hiver, des restes d’uniformes trouvés au plain permirent d’établir qu’il s’agissait d’un navire de guerre et que ce navire ne pouvait être que la canonnière-brick La « Vedette », commandée par le lieutenant de vaisseau Hachet de Cintré qui était en vain attendu depuis le début d’octobre.
D’ailleurs, le 20 octobre, on trouvait sur la côte O. de Langlade, un cadavre dont l’identité ne put être établie, paraissant âgé de 25 ans environ et vêtu de deux pantalons, l’un de drap bleu, l’autre en toile portant un matricule (1). Ce genre de vêtements immatriculé ne pouvait être vraisemblablement que ceux d’un matelot de la marine militaire et qui faisait sans doute partie du malheureux équipage de la « Vedette ».
Toutefois on restait dans l’incertitude sur le point de la côte où le bâtiment s’était brisé. On supposait néanmoins qu’il avait pu être poussé sur les « Veaux marins », dangereux rochers situés à 5 milles 1⁄2 à l’Ouest de la Grande Miquelon.
Ici s’arrête la relation de mon aïeul. La suite du récit est empruntée aux archives locales.
Ce n’est que dans les premiers jours de l’année suivante que le commandant Mamyneau put expédier sur les lieux où l’on présumait que s’était perdue la « Vedette », la goëlette de la marine locale « La Gentille », commandée par le lieutenant de vaisseau Hérout. Cet officier établit sans peine que la canonnière-brick avait bien fait naufrage sur les roches d’ont il s’agit. Il découvrit, en effet, entre les deux plateaux, à dix ou douze pieds de profondeur à marée basse le cabestan tout entier, des chaînes, le corps de pompe, les perriers.
1 C’était le N° 13245. Etat-civil – Décès – Miquelon, 1841.
M. Detcheverry Vve Mouton