Foyer paroissial, N° 94 : 15 octobre – 15 novembre 1931, pages 239-241.
– 1818 –
Dans cette même lettre au ministre – il en a été question au dernier numéro du Foyer paroissial – M. Bourrilhon insiste de nouveau pour que les étrangers puissent venir commercer avec la colonie, puisqu’on ne peut pas compter sur les armateurs métropolitains pour approvisionner celle-ci.
Voici comment s’explique M. Bourrilhon.
« J’ai l’honneur d’écrire à V. E. l’état général des navires étrangers admis à St-Pierre et Miquelon pendant l’année courante.
« Il résulte de cet été que les Américains n’ont importé ou du moins vendu, en 1818, qu’une quantité insignifiante d’articles qui auraient pu être fournis par la métropole, notamment de farine et de biscuit, et cela prouve que toutes les fois que la récolte ne manquera pas absolument en France, le commerce national n’aura pas le commerce des Américains à redouter. »
« Je suis plus que jamais pénétré au reste de la nécessité qu’il y a d’admettre les étrangers dans ces îles et je n’hésite pas à ajouter que si on décide à les exclure et qu’on n’ait pas soin d’approvisionner les magasins de manière à ce que l’Administrateur en chef puisse, en cas de besoin, venir au secours des habitans, tous seront obligés d’abandonner le païs avant trois ans. »
C’est aussi en cette même année qui furent tentés les premières essais de culture (sic).
Le 16 août, M. Bourrilhon avisait le ministre que les semis ordonnés par lui avaient été faits à St-Pierre. Déjà, dit-il les plantes commencent à lever, mais il est à craindre, en raison de l’arrivée tardive de la gabarre « l’Expéditive » qui nous a apporté les semis, qu’ils n’auront pas acquis assez de force avant la fin de la belle saison pour résister à la rigueur de nos hivers. »
Nous publierons plus tard la correspondance et les rapports sur les résultats que donnèrent les essais entrepris (Voir pour mémoire le n° 83 du Foyer).
Le 1er novembre 1818, M ; Bourrilhon, autorisé à rentrer en France, passa le commandement à M. Borius, désigné par le Roi pour exercer l’intérim.
Le 31 octobre, il avait adressé au ministre la lettre suivante qui séduit par la franchise et la modestie de caractère de son auteur.
« Monseigneur, La gabarre de S. M. « La Lionne », paraissant devoir partir du 10 au 15 novembre, j’étais convenu avec M. Borius, depuis plusieurs jours, que j’arrêterai mon service au 31 octobre et que je lui en ferai la remise le lendemain. Je viens d’effectuer ce projet. »
« Vous trouverez ici, Monseigneur, tous les documents qu’il m’était ordonné d’adresser au département dans cette circonstance, par la dépêche du 1er juillet dernier n° 16, et entière copie du mémoire que j’ai remis à mon successeur, sur l’état des affaires. »
« Peu habile à faire valoir mes services, Monseigneur, je ne terminerai pas cette lettre comme beaucoup d’autres feraient à ma place par la citation de ce que j’ai pu faire d’utile et de toutes les difficultés que j’ai eu à vaincre ; Je me borne à prier V. E. de remarquer que lorsqu’on m’a confié l’Administration des isles Saint-Pierre et Miquelon, on a eu particulièrement en vue de charger du rétablissement d’une colonie où tout était à créer, un homme qui, par ses connaissances locales qu’il avait du païs, parviendrait à ce but en peu de temps, et avec la plus grande économie possible. Or je crois avoir sous ce rapport parfaitement bien rempli la tâche qui m’était imposée, et je pense même que proportionnellement au nombre d’employés qu’on avait mis à ma disposition, j’ai fourni au ministère tous les renseignements qu’on pouvait attendre de mon zèle.
« Je ne prétends pas toutefois Monseigneur, n’avoir pas commis de fautes, je m’en reproche une très grande, celle de n’avoir pas su toujours déployer assez de sévérité ; mais un point sur lequel j’ai lieu d’appuyer fortement, c’est que pendant toute ma gestion, je n’ai pas cessé un instant d’être dirigé par les intentions les plus pures et par le Dévouement le plus entier à Sa Majesté. »
J’ai l’honneur d’être avec un profond respect, etc. Bourrilhon.
- Bourrilhon s’embarqua sur « La Lionne » le 18 novembre ; C’est un honneur pour ce commissaire de la marine d’avoir assumé la lourde tâche de rétablir la colonie de Saint-Pierre et Miquelon.
Bien que d’un caractère où le septicisme (sic) dominait, le commissaire Bourrilhon fut néanmoins un habile administrateur. Le gouvernement qui connaissait l’homme fut donc bien inspiré en le choisissant pour remplir la délicate mission du rétablissement de Saint-Pierre et Miquelon et ce haut fonctionnaire justifia la confiance qu’on avait mise en lui.
Aussi les descendants des pionniers qui vinrent avec lui en 1816, doivent-ils garder une éternelle reconnaissance à la mémoire de cet homme qui, malgré son âge, sous un climat rigoureux où il s’épuisa, s’ingénia avec une zèle infatigable et une énergie indomptable, en dépit de difficultés inouïes, à maintenir, haut et ferme, le drapeau de la France sur ces rochers, seuls vestiges de nos magnifiques possessions de l’Amérique du Nord.
Le commissaire Bourrilhon doit donc être placé sur le même piédestal que les d’Angeac, de l’Espérance et Danseville.
(A suivre)