Le récit d’Emile Sasco :
Un meurtre à l’île-aux-Chiens.
Saint-Pierre, le 19 février 1938.
Affaire Néel Auguste & Ollivier Louis.
Un meurtre à l’île-aux-Chiens.
Et nous voilà enfin au matin de l’exécution.
Un soleil radieux, après trois semaines de brume intense va éclairer la scène tragique. La plus grande partie de la population est sur pied.
Néel dira à son réveil au petit jour qu’il a entendu toute la nuit pas mal de gens circuler dans la rue Carpillet et causant à assez haute voix (sa cellule en effet n’est séparée de cette rue que par une cour très étroite qui protège un mur de trois mètres de hauteur à peine), et déclare que ce bruit anormal « ne lui disait rien de bon ». Il venait à peine de s’endormir lorsqu’on l’avait réveillé. Il était en effet 3h1/2 lorsque MM. Caperon, Procureur de la République, Seigfriedt, greffier, R.P. Cadoret, désigné comme aumônier par le Préfet apostolique et Sigrist, concierge de la prison, pénétrèrent dans la cellule du condamné.
Très doucement, le Procureur de la République le touche à l’épaule. Néel ouvre les yeux et se dresse sur son séant. A la nouvelle qu’il n’a plus de grâce à attendre que dans la miséricorde Divine, il répond « Oh! la mort ne me fait pas peur » et il ajoute « il y a longtemps que je serais mort sans M. et Mme Sigrist. Ils ont été bons pour moi. Je veux les remercier avant de mourir ». Le gardien de la prison, fort émotionné lui dit: « Mon pauvre Néel, du courage », et en discourant gravement sur les motifs de sa condamnation, Néel s’habille seul, sans tâtonnement, refusant l’aide du gendarme Dangla qui se tient à l’entrée de la cellule.
Néel passe l’étroit couloir de la prison lequel se tiennent quelques fonctionnaires, le jeune docteur Calmette, le Lieutenant de Marine Brunaud et deux correspondants de journaux anglais, et pénètre au greffe de la prison où il doit subir les funèbres apprêts de la dernière toilette des condamnées à mort. C’est Sigrist, aidé du gendarme Dangla qui est chargé de cette corvée. Il s’assied sur une chaise sans dossier, mais au lieu du ligotage ordinaire des bras avec des liens, on lui passe une chemise de force aux extrémités des manches de laquelle sont fixés de lacets; les bras sont alors ramenés en arrière et immobilisés avec ces lacets, seules les jambes sont attachées avec une légère corde.
Penchant ces apprêts, Néel accepte d’abord un verre de vin, puis un bol de thé chaud qu’il déguste à petites gorgées. Avec un sang-froid qui confond tous les assistants et une liberté d’esprit vraiment inouïe dans des circonstances pareilles, il passe en revue tous les événements de sa vie de marin. Entre autres réflexions, il fait celle-ci: « Qui aurait cru que la terre m’aurait, moi qui aurais dû périr en mer? »
Laissé seul avec l’aumônier, il reçoit les secours de la religion.
Au moment de monter avec le R.P. Cadoret dans le cabriolet fermé qui doit le conduire au lieu du supplice, Néel qui est un enragé chiqueur de tabac demande au gardien de lui passer une chique, la dernière! Sigrist qui en conservait pour la consommation de son prisonnier lui en met une dans la bouche.
Enfin à 4h30 le véhicule s’ébranle escorté par deux brigades de gendarmerie à pied, commandés par le Maréchal-des-logis Pittolat; le cortège emprunte les rues Truguet et Gervais, soit un parcours d’environ 669 mètres avant d’arriver à la Place de l’Amiral Courbet, au centre de laquelle est montée la guillotine. Ce trajet demande plus de vingt minutes, car le cheval va au pas.
Une foule assez compacte parmi laquelle on remarque quelques femmes se tient silencieuse, maintenue à distance par un cordon de militaires de la compagnie de la discipline.
Le condamné descend de voiture et d’un pas ferme, s’achemine vers la guillotine dont la vue ne parvient pas à amollir le courage. Reconnaissant Legent, il lui reproche le redoutable service que l’on attend de lui, puis de la plate-forme, d’un pied de hauteur où il est monté, s’adressant à la foule d’une voix forte: « Que mon exemple serve de leçon, dit-il; J’ai tué, on va me tuer, ne faites pas comme moi ». Il embrasse le crucifix que lui présente l’aumônier et lui demande d’accompagner son cadavre au cimetière, ne voulant pas, dit-il, « être enterré comme un chien ». Pendant que le R.P. Cadoret s’agenouille au pied de l’échafaud, les exécuteurs s’emparent de Néel qui ne se débat pas; ils mettent un temps infini à l’attacher sur la fatale bascule avec les courroies dont elle est munie. Enfin, le condamné est basculé et enfourné sous le couperet, la lunette est rabattue. Mais alors se produisit un moment poignant, horrifiant: les exécuteurs perdent la tête, jetant des regards affolés de tous côtés, principalement sur le groupe des officiels qui se trouve à quelque distance de la guillotine; ils semblent solliciter un conseil, un ordre, ce qu’il faut faire, ne comprenant rien aux gestes désespérés du Procureur de la République, leur faisant signe de dérouler la corde qui retient le couperet.
Pendant ces quelques minutes interminables qui semblent des siècles, Néel, lui, crie à Legent: « Surtout, ne manque pas! », joue des épaules et du cou pour tenter de soulever la lunette, pendant que le Maréchal-des-logis Pittolat l’implore de se tenir tranquille et de baisser la tête. Néel obéit et, à ce moment, crache sa chique dans le seau destiné à recevoir son chef.
Enfin! Enfin! L’éxécuteur Legent a repris son sang-froid et lâche la corde, le couperet tout en brinquebalant dans la rainure des montants, s’abat lourdement. Justice est faite! Comme on l’avait prévu, la tête du décapité reste suspendue sur le bord du récipient, Legent d’un coup de couteau, tranche l’adhérence.
Au lieu d’être placé dans un endroit discret, le cercueil destiné à recevoir les restes su supplicié avait été au contraire disposé devant la guillotine de sorte que le malheureux Néel put le contempler durant sa terrible agonie.
Après cette dramatique exécution, la foule s’écoula silencieusement, fortement impressionnée par ces incidents macabres. Le Procureur de la République Caperon, sous le coup d’une véritable émotion, pleure à chaudes larmes et confie à celui qui écrit ces lignes jamais plus il ne requerra la peine de mort.
Le docteur Calmette qui, lui-même avait demandé le transport à l’hôpital du cadavre pour études anatomiques, renonça à son projet. Néel est donc conduit directement à sa dernière demeure, suivi par le R.P. Cadoret.
Ce même jour, dans la matinée, M. Venot, magistrat, qui avait prononcé la peine de mort contre Néel fut remettre au Préfet Apostolique par l’auteur de ce récit, une somme d’argent pour la célébration de messes basses à l’intention de l’âme du condamné.
L’éxécution de Néel eut un épilogue singulier et assez suggestif, nous le rapportons sans commentaires.
L’opinion publique réprouva à un tel point la charge que Legent avait acceptée que cet individu, cependant marié et père de deux enfants en bas âge, sollicita en vain du travail, car personne ne voulut l’employer. La campagne de pêche étant à peu près terminée, Legent se voyait contraint de rentrer en France. Il fut rapatrié gratuitement avec sa famille et son demi-frère Bannech sur le transport de guerre Drac, le 17 septembre suivant.
Faisait toutefois preuve d’une certaine honnêteté, il voulut avant de quitter la Colonie, régler ses dettes avec les 500 francs reçus pour la fonction qu’il avait remplie. Mais aucun de ses créanciers ne consentit à recevoir en paiement le « prix du sang », et acquittèrent purement et simplement les notes que leur débiteur leur présenta.
Oh! Inconscience humaine: ce bon peuple de Saint-Pierre ne désigne plus depuis cette époque la place de l’Amral Courbet que « Place Néel ».
C’est ainsi que l’on fait passer un criminel à la postérité…!
Saint-Pierre, le 19 février 1938. Emile Sasco.
Bonjour, je suis étonné et je pense qu’une erreur a été faite , sur l’almanach du centenaire de mon grand-père Daniel Gauvain il est question de la condannation à mort de Néel, mais les dates ne correspondent pas avec la votre, moi j’ai le 7 février 1889, condannation à mort de Néel pour assassinat, et vous mettez la date du 19 février 1938. Merci d’éclairer ma lanterne.
C. Gauvain.
Salut Christophe. La date du 19 février 1938 est celle du récit d’Émile Sasco, non pas de l’exécution de Néel.
Chaque document, chaque récit, chaque texte sur le GrandColombier 2.0 doit est daté afin d’en établir établir le contexte historique.
Cependant le titre original de ce récit aurait pu se lire autrement. voir au bas du texte.Pour les lecteurs et pour ceux qui aiment les précisions voici:
Nuit du 30-31 décembre 1988 Meurtre sans préméditation ni guet-apens mais un meutre accompagné de vol qualifié.
31 Décembre 1888 vers 14 h – Découverte du corps mutilé sauvageusement de Coupard François à l’Ile-aux-Chiens.
1er Janvier 1889 – Néel et Ollivier sont arrêtés, n’ayant pu gagner Terre-Neuve à cause d’un fort vent d’est et l’état de la mer avec l’embarcation de la victime. Ont fait relâche à l’Anse à Henri.
6 février 1889 Session du Tribunal Criminel composé de Messieurs XXXXX – 2 jours de débats.
8 février 1889 – Néel est condanné à la peine de mort et Ollivier à 10 ans de travaux forcés.
9 février 1889 -Néel se pourvoit en cassation.
9 avril 1989, Pour parer toute éventualité de rejet, Néel formait un recours en grâce.
12 Avril 1889 – La Cour Suprême rejette le pourvoi de Néel.
Fin juillet 1989 – Le recours en grâce est rejeté par le Président de la République. Date de l’exécution fixée pour le 24 août 1989
26 juillet 1989 – La guillotine quitte la Guadeloupe expédiée par le Gouverneur de cette Ile à la demande de Paris qui refusait ce déplacement.
22 août 1989 – Arrivée de la guillotine.
24 Août 1989 – EXÉCUTION de la peine de mort
17 septembre 1989 – L’éxécuteur Legent et famille ainsi que son demi-frère quittent sur le transport de guerre « Drac »
Provenance: Document Original composé de 12 pages, écrit à Saint-Pierre le 19 février 1938 Intitulé » Emile Sasco, UNE EXÉCUTION AUX ILES SAINT-PIERRE & MIQUELON – AFFAIRE NEEL-OLLIVIER 1888-1889.
Sincèrement vôtre,
Rolande Sasco-Tillard.(petite-fille)
Bonjour Rolande
est ce que ton grand père avait d’autres récits ,à part des Éphémérides ?
amicalement à toi ,arlette folquet hacala
Bonjour Rolande
est ce que ton grand père avait d’autres récits ,à part des Éphémérides ?
amicalement à toi ,arlette folquet hacala
Bonjour Arlette,
Il me fait plaisir de te répondre même avec 2 mois de retard, étant revenue jeter un coup d’oeil sur ce site qu’aujourd’hui à la recherche d’une information.
Je sais qu’il y l’Historique des noms des rues de St Pierre et Miquelon dont j’ai retrouvé une copie aux archives de l’Université Mc Gill à Montréal à ma grande surprise. Je suis en possession de lettres de style, remarquables, lesquelles ont été écrites alors qu’il était en en France car il situe lieux et dates dans les en-têtes.
J’ai l’ intention de donner suite à un projet sur ce site auquel 2 personnes n’auraient jamais répondu. Cela doit être Mmes Marguerite Sasco (Delépine)et Jeanne Sasco (Briand) dont l’une est décédée depuis très longtemps et l’autre dans les années 90. Ceci pourrait être la raison d’une non-réponse. Cependant j’envisage de faire faire quelques corrections sur cet article (si je retourne en arrière sur le Web je risque de perdre cette page)où il est mentionné que mon grand-père n’avait que 3 filles! – Madeleine Sasco, ma mère,la 4ème née en 1907!n’y est pas. Bizarre. J’ai ouie dire qu’il y a d’autres documents intéressants mais je ne peux rien avancé d’autre pour l’instant à l’aveuglette.Je suis un peu comme « Thomas ».
Que ces quelques lignes te trouvent toujours en bonne santé et me permettent de te dire, merci, pour l’intérêt que tu manifestes à celui qui est toujours mon idôle et ma ligne de conduite en ce monde.J’avais 4 ans à son décès et je le revois comme si c’était hier…1er souvenir de ma vie.
Bonne et Heureuse année 2012,
Bien amicalement
Rolande
Mon adresse e-mail : voir famille J.P.Poulain
Correction: je ne peux rien avancer…14e ligne
Bonjour Rolande
je viens seulement de récupérer ton message ,à mon tour de te souhaiter une très Bonne Année et surtout la Santé !
Je vais m’informer à la bibliothèque ,sur ce qu’il y a sur ton grand-père !
Bises amicales ,à toi ta famille ,et aussi si tu vois chez , Rémi .
2015 05 09. Je passe par hasard sur ce site, pour m’apercevoir qu’en voulant donner des précisions avec dates telles que ci-haut mentionnées le 26 août 2011, j’ai fait des erreurs de frappe en mettant 1988 et 1989 au lieu de 1888-1889. Je m’excuse, il n’est jamais trop tard pour bien faire,
Rolande Tillard.
Est-ce qu’il y a quelqu’un qui peut me dire, si j’ai bien compris sur les antennes de la première SPM qu’il y a un nouveau livre qui doit sortir « Un Charlatant à l’ile aux chiens »
Merci de me le confirmer car ma sœur Claudine qu’elle est allé à la librairie et cela ne leur dit rien
louis Fontaine