21 novembre, 2024

1976 – Panorama de l’activité maritime

Flash Économie – Décembre 1976

SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON PANORAMA DE L’ACTIVITÉ MARITIME

L’origine de l’établissement français à Saint-Pierre-et-Miquelon est liée, on le sait, à l’histoire de la pêche métropolitaine, dont les goélettes, venant de l’ouest de la France ou du Pays Basque, avaient besoin d’une base de repos et de ravitaillement pour les équipages, ainsi que d’une station pour le traitement du poisson salé et séché : séchage naturel en été sur des champs de pierre (les graves) par des ouvriers saisonniers (les graviers) venant principalement de la région de Saint-Malo. Le développement des chalutiers à vapeur bouleversa l’économie locale qui ne fut pas dotée des moyens nécessaires pour accéder aux méthodes industrielles, et les grands chalutiers océaniques ne firent plus que de brèves escales à Saint-Pierre. Depuis la guerre de 1914-1918, seule subsista sur place la pêche artisanale au moyen de plusieurs centaines de doris montés par des équipages de deux hommes. Ce n’est qu’en 1952 que fut créée une Société d’Economie Mixte, la Société de Pêche et de Congélation (SPEC) pour l’exploitation de la pêche au large. En 1974, elle est remplacée par une société privée, « Interpêche », filiale de la Société Navale Caennaise principalement. Cette société dispose de trois chalutiers modernes de 50 mètres et d’une usine de traitement également moderne. Elle ne travaille pas à pleine capacité. Quant à la pêche artisanale, elle n’a cessé de décliner, malgré le soutien constant des instances locales, alors que se développaient les activités « de service » (portuaires, commerciales, touristiques, etc.). L’élévation du niveau de vie, la diminution des stocks de poissons littoraux (que ne surveille aucune police côtière, inexistante) peuvent aussi compter parmi les causes de ce déclin. Quoi qu’il en soit, l’Archipel, placé au milieu d’une importante zone de pêche, bordé par les côtes du continent américain, disposant d’un port libre de glaces toute l’année, donne à la France une situation « d’Etat Côtier » dans l’Atlantique nord-ouest, situation récemment reconnue dans la dernière réunion de la Commission Internationale du Nord-Ouest Atlantique (ICNAF). La France a, de ce fait, comme le Canada notamment, le plus grand intérêt à la protection des ressources marines de la région, qui sont essentielles pour l’avenir économique de Saint-Pierre-et-Miquelon, comme pour celui de la province canadienne de Terre-Neuve. C’est pourquoi la France a installé à Saint-Pierre un important laboratoire de l’Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes (ISTPM), doté d’un navire océanographique, le Cryos, qui travaille en liaison constante avec les organismes analogues canadiens et américains.

L’activité de pêche est donc une « fonction naturelle » des îles Saint-Pierre-et-Miquelon, et il ne faut à aucun prix laisser péricliter les efforts qui concourent à son maintien, ou négliger les hommes qui en ont la responsabilité. Mais elle se double d’une activité portuaire provenant de la fréquentation des navires de pêche étrangers intéressés par l’avitaillement, le transbordement ou le stockage du poisson, voire même la relève des équipages par voie aérienne. Or, la récente évolution du Droit de la Mer, notamment la création d’un domaine économique réservé de 188 milles (attenant aux 12 milles d’eaux territoriales ») donne aux nations riveraines des droits souverains de surveillance et d’interdiction concernant l’exploitation du domaine en question. C’est dire que la présence des navires étrangers dans la zone maritime et dans le port de Saint-Pierre est étroitement liée aux décisions qui seront prises par les ayants droit et aux accords que pourront passer les Gouvernements avec les Etats riverains, tel par exemple celui que le Japon vient de conclure avec le Canada. Entre la protection des ressources et la reconstitution des réserves, d’une part, et d’autre part l’exploitation du milieu marin et les échanges commerciaux, il est donc nécessaire de parvenir à un équilibre tel que ces différentes activités ne soient pas concurrentielles mais complémentaires. Dernier problème enfin : celui posé par les conséquences de l’intégration du nouveau département de Saint-Pierre-et-Miquelon dans la Communauté Economique Européenne. Par exemple, les possibilités d’installations ouvertes aux flottes et aux armateurs de la C.E.E., éventualité a priori inquiétante pour nos voisins canadiens accoutumés à notre présence historique, mais peu soucieux de la voir s’élargir aux dimensions européennes. L’avenir est donc plein de promesses, mais avec de sérieux points d’interrogation. Favorisé par sa position et son environnement marin, mais handicapé par l’exiguïté de son territoire et l’insuffisance de ses ressources, l’Archipel Français de l’Atlantique Nord n’a pas retrouvé l’activité maritime intense qui fut la sienne jusqu’à la première guerre mondiale. Certes, le dynamisme de ses armateurs, de ses commerçants, de ses marins n’est pas en cause, et c’est encore sur eux que reposent en grande partie les ressources dégagées par le mouvement économique. Mais l’aide financière de la Métropole, très importante surtout depuis la Ve République et qui ne cesse de s’accroître, n’a pas été suffisamment orientée vers un développement adapté aux conditions locales et à la position particulière de Saint-Pierre, qui n’a rien de commun avec un port de pêche des côtes de la Manche. On a parfois l’impression que la Métropole s’est demandé « Que faire avec Saint-Pierre et Miquelon ? » Le statut territorial dont l’Archipel a été doté en 1957 n’a pas été utilisé par les instances locales responsables (en vertu de leur autonomie budgétaire) dans toutes ses possibilités, et il est devenu un frein à l’élargissement de l’éventail économique, alors que pendant le même temps, le Canada n’hésitait pas à pratiquer à Terre-Neuve une vigoureuse et persévérante politique d’investissements dans les pêcheries. C’est dire combien il est nécessaire de prendre conscience des données réelles et actuelles de la situation de l’Archipel pour en rénover l’orientation économique. Puisse la départementalisation être à la base de ce nouveau départ.

Georges POULET.

Grand Colombier

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