Ceci est le deuxième texte d’une série de six articles, consacré à l’ancien gouverneur des îles Saint-Pierre et Miquelon.
La lecture des quelques esquisses de lettres privées restées dans les papiers personnels du comte nous révèle les préoccupations d’un administrateur dévoué. Ainsi en témoignent deux lettres adressées à ses parents en 1938 et 1939.
Dans la première, datée du 14 mai 38, adressée à sa mère, Gilbert de Bournat expose brièvement les difficultés de sa tâche et son propre dévouement :
« Je (illisible) comme une brute pour essayer d’améliorer au moins légèrement la situation d’un pays où la vie est terriblement difficile et où le montage de la plus petite affaire se heurte à toutes sortes de difficultés invraisemblables…… Mis à part la période durant laquelle les Etats-Unis ont été légalement au – Régime Sec – et qu’a donné (..) à une intense contrebande dont les pays voisins, dont St Pierre, ont / a profité il faut bien en effet constater que depuis 400 ans, notre pauvre Archipel de l’Amérique du Nord et ses habitants ont toujours été dans la misère noire malgré tous les efforts de mes quelques / très nombreux / 200 prédécesseurs.
Je n’ai donc pas la prétention de réussir à sortir de cet état de choses imposé par la situation du pays qui est littéralement étouffé par ses trop puissants voisins et aussi, il faut bien le dire, est parallèlement oublié par la Mère patrie. Mais j’ai du moins l’espoir comme je le disais à la 2e page de ce mot, d’améliorer, si peu que ce soit la situation et en définitive, de laisser le pays lorsque je le quitterai dans une condition meilleur que celle où je l’ai trouvé à mon arrivée.
Et s’il restait par la des essais innombrables que je tente et des efforts continuels que je fournis, j’estimerai n’avoir pas fait œuvre inutile et je souhaiterais que tous mes successeurs puissent en faire autant… »
La seconde lettre, datée du 24 juin 1939, adressée à son père relate le triste incendie qui détruisit dix-sept maisons du centre-ville.
« Cette fois encore, je ne vous écrirai pas plus longuement car dans la nuit du 18 au 19 un violent incendie a détruit 17 immeubles, anéantissant un des plus jolis quartiers de la ville et Suzanne et moi sommes fort occupés, elle, à faire des souscriptions pour aider les sinistrés, moi aux milles choses qui naissent habituellement de ce genre de catastrophes.
Le feu avait pris dans un cinéma au milieu de la représentation, et c’est bien un miracle que l’on ait même un accident grave à déplorer.
Commencé à 10h 1/2 du soir, nous n’avons pas pu en être maîtres qu’à 4h du matin et là encore on peut remercier le bon Dieu que les dégâts n’aient pas été plus importants car la ville est presque toute construite en bois et il soufflait cette nuit là un très fort vent. »
Ces quelques textes nous permettent de prendre la mesure du sérieux et le dévouement réel de ce gouverneur, attaché au sort des îliens en pleine crise économique.
Lundi prochain : décembre 1941, l’arrivée de la France Libre et l’exil