Les articles ci-dessous concernent la disparition du navire les Cousins Réunis le 3 mars 1905 au large de Saint-Pierre et Miquelon. Ce naufrage n’est pas recensé dans les éphémérides de l’archipel, cependant elle concerne une goélette de l’armement Légasse. Cette tragédie à fait l’objet de nombreux articles dans le journal socialiste l’Humanité qui a relayé les divers procès qui ont opposé journalistes français et l’armateur Louis Légasse.
Les Cousins Réunis, trois mâts. Avec à bord :
- Capitaine Moreau, 30 hommes d’équipage, 132 passagers – Source : Les Cahiers de la vie à Cancale
- 29 hommes d’équipage et 102 graviers – Source: patrimoine.region-bretagne.fr
L’Humanité, 1905/05/31 (Numéro 409).
Naufrage d’une goélette française
Halifax.
La goélette française Cousins-Réunis, qui avait 200 personnes à bord et allait à
Saint-Pierre et Miquelon, semble perdue corps et biens.
Le gouvernement français avait envoyé de Saint-Pierre sa rencontre le croiseur Troude. Celui-ci, après avoir parcouru les parages de Terre-Neuve, est arrivé à Sydney, sans avoir trouvé trace de la goélette. On croit que ce navire a dû faire collision avec un iceberg.
L’Humanité, 1908/11/20 (Numéro 1677).
LES TROUBLES DE SAINT PIERRE ET MIQUELON L’ARMATEUR LÉGASSE
Le chef du parti réactionnaire de la colonie.
Comment il traite ses salariés.
Les nouvelles reçues de Saint-Pierre et Miquelon, montrent que la situation ne s’est pas sensiblement modifiée les manifestations cléricales se sont au contraire renouvelées.
En même temps on nous apprend que le fameux Légasse, le grand armateur qui dirige le parti clérical et qui a été choisi par lui pour représenter les îles au conseil supérieur des colonies, a télégraphié, de Paris, à ses commettants « pour leur conseiller le calme ».
En vérité, ce monsieur ne mangue pas d’audace. Ce sont les propres agents de sa maison à Saint-Pierre qui ont constitué le gros de la première manifestation en faveur des écoles congréganistes et c’est l’un de ses agents, adjoint au maire, qui portait le drapeau américain
Ce qu’est M. Légasse
Mais puisque M. Légasse tient à rappeler à notre bon souvenir, il faut que nous fassions connaître à l’opinion quel est ce personnage qui prétend parler au nom des populations maritimes fanatisées et misérables de Saint-Pierre et Miquelon. M. Louis Légasse est un grand armateur et c’est sur ses bateaux sur ses lamentables vieux sabots qu’on embarque les pauvres marins bretons et normands de la côte de Paimpol à Granville, qui s’en vont faire la pêche de la morue sur la côte de Terre-Neuve.
Les conditions dans, lesquelles sont transportés ces malheureux prolétaires de l’Océan, constituent un tel scandale qu’à diverses reprises la Chambre a été saisie de la question. Ce fut, notamment, le cas en janvier dernier, lors de l’interpellation du député dé l’Ille-et-Vilaine, M. Guernier que par une erreur, dont nous nous excusons, nous avions fait hier un clérical. C’est, en fait, un républicain démocrate, qui a le mérite de poursuivre une vigoureuse campagne en faveur des nombreux marins de sa circonscription, victimes de la rapacité des armateurs.
Le ministre de la marine fut, à ce moment, amené à déclarer à la tribune du Parlement que l’industrie des armateurs et dont le plus important est M. Légasse constituait « une véritable spéculation sur la santé et la vie des hommes ».
« Criminel inconscient »
M. Légasse qui, décidément, a l’habitude de payer d’audace, déclara alors que le décret gouvernemental « était insuffisant ». Un journaliste breton, M. Léon Berthaut, qui a joué un rôle, particulièrement actif dans la campagne en faveur des malheureux inscrits, observa à juste titre qu’au lieu de réclames humanitaires tardives, M. Légasse aurait mieux fait de ne pas en- tasser 132 malheureux sur ce bateau douteux, qui s’appelait le Cousin-Réunis ». Les conditions de l’embarquement en avaient fait un « frime inconscient », affirmait Pierre Loti, tandis que le nationaliste amiral Bienaimé, peu suspect d’hostilité pour un congénère politique, déclarait que cela avait été « une folie criminelle ». Voilà l’exploiteur impitoyable qui prétend parler au nom des populations misérables de Saint-Pierre et Miquelon et dont les agents organisent là-bas des manifestations cléricales et anti-françaises qui, au reste, jouit de toute la protection du gouvernement.
Jean LONGUET
L’Humanité, 1908/11/22 (Numéro 1679).
UN JUGEMENT REMARQUABLE
Le grand armateur de Saint-Pierre et Miquelon échoue dans ses poursuites et se voit même condamné.
Nos lecteurs ont déjà été mis au courant de la personnalité et des agissements de M. Légasse, l’armateur naufrageur, responsable des troubles de Saint-Pierre et Miquelon.
Ce personnage vient de recevoir du tribunal de Rennes une leçon qui vient à son heure et oui, espérons-le, lui servira. A la suite de la publication par un journaliste breton, M. Berthaut, d’un article, dont Longuet a donné ici même un extrait et qui qualifiait de bateau douteux le bâtiment les Cousins-Réunis, M. Légasse poursuivit notre confrère, ainsi qu’un autre journaliste de la région, M. Bazin, qui avait reproduit son réquisitoire contre le grand armateur. Au cours de son article, à propos des conseils que M. Légasse prétendait donner au ministre de la marine, voici ce qui M. Berthaut écrivait :
Non, messieurs, ce n’est pas au ministre de faire votre devoir. S’il intervient aujourd’hui, appuyé sur la force de l’opinion, c’est que vous ne l’avez pas fait, ce devoir impérieux d’humanité dont vous parlez si admirablement. Ces précautions, c’est au commerce de les prendre, puisque c’est lui qui profite du travail des pêcheurs. Et il aurait mieux valu, au lieu de réclames humanitaires tardives, ne pas entasser tant de malheureux sur et bateau douteux qui s’appelait? Cousins-Réunis, et qui est allé rejoindre aux abîmes, les victimes de Saint-Pierre.
M. Légasse réclama 20000 francs de dommages-intérêts.
Le tribunal a rendu hier sont jugement. Après plaidoiries de Mes Le Bail et Alcide Delmont, il a débouté l’armateur de sa demande et l’a même condamné.