21 novembre, 2024

1892 – Lettre de M F. Couturier

devinez1892.
Mes chers concitoyens,

Les haines qui depuis trois ans s’accumulaient contre moi ont enfin pu se donner carrière.

Condamné à trois mois d’emprisonnement, destitué de mes fonctions d’agréé, ayant tout à craindre de mes ennemis, je m’exile volontairement de ce pays qui m’a donné de si solennels témoignages de confiance et auquel j’ai voué une reconnaissance profonde, non moins qu’un inébranlable attachement.

C’est avec tristesse que je pars. On ne quitte pas sans un serrement de cœur, une population loyale, honnête et laborieuse dont on a défendu les intérêts, appuyé les revendications, soutenu les vœux et qui vous a prodigué, en échange, aux heures d’accablement comme aux heures de triomphe, les marques d’affection et d’estime.

C’est avec tristesse que je pars, mais c’est avec joie aussi. Car votre cause, qui est celle des humbles et des travailleurs, je la plaiderai avec plus force à Paris qu’à Saint-Pierre, avec plus de chaleur au sein du Conseil supérieur des colonies qu’au sein de l’Assemblée locale, avec plus de chances auprès du Gouvernement de la République qu’auprès d’une administration tracassière et jalouse, parce qu’à Paris la liberté de la presse et la liberté de parole ne sont pas comme ici de veines formules, parce que le Conseil supérieur des colonies n’est le domestique de personne, parce que le Gouvernement de la République est le Gouvernement du droit, de l’équité et de la justice !

J’ai été la première victime de l’arbitraire et de la fantaisie qui règnent aujourd’hui en maîtres souverains sur nos existences. Il importe que je sois la dernière !

Ceux qui m’ont frappé et qui après avoir poursuivi ma ruine, one essayé de m’atteindre dans mon honneur, me retrouveront bientôt debout.

Mes chers concitoyens.

Nous sommes liés par un pacte conclu le 2 mars 1890 et renouvelé le 5 avril 1892. Je ne faillerai pas plus demain que je n’ai failli hier aux devoirs qui m’impose. Comptez sur moi et laissez moi compter sur vous.

Au revoir et vivent les îles Saint-Pierre et Miquelon !

Saint-Pierre, le 21 février 1892.
François Couturier
Conseiller général de Saint-Pierre
Délégué aux Conseil supérieur des Colonies.

Saint-Pierre, – Imp. Lemoine.
Dépôt légal de deux exemplaires de la présente feuille tirés à 1200.
St Pierre, le 22 février 1892.
A. Lemoine.

Grand Colombier

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