Dépôt Legal de l’Imprimerie St. Pierraise.
De deux ex. Note sur l’Affaire Couturier Mignot
Tirés a cent exemplaires
St Pierre et Miquelon, le 20 octobre 1888
Note sur l’affaire Mignot-Couturier
“Nous regrettons vivement de n’avoir pu vous faire obtenir la satisfaction que vous désirez, mais nous sommes persuadés que la conduite de votre adversaire sera appréciée par tous à sa juste valeur. » – Veuillez agréer, etc.
Signé : J, LEBAN … »
M. J. Leban n’est pas ce qu’on appelle une quantité négligeable. L’élévation de son caractère et son honorabilité incontestable prêtent à ses dires une autorité dont il faut tenir compte.
C’est ce que me détermine à faire connaître à tous, pour en faciliter l’appréciation, la conduite de l’adversaire, c’est à dire la mienne.
Deux procès-verbaux et deux lettres ne jettent pas un jour suffisant : il importe de dissiper toute obscurité.
La question, d’ailleurs, peut-être réduite à cette formule très-simple : Ai-je refusé de me battre avec M. Mignot ?
M. Mignot m’avait insulté, moi et une autre personne, ses témoins pas plus que les miens ne l’ignorent, le sept octobre dans des circonstances et des termes que je ne saurais rappeler ici. Ma lettre du huit n’a été qu’une contre-offense et si elle n’a pas visé l’incident de la veille c’est qu’elle eut été susceptible de lui donner des proportions regrettables.
M. Mignot qui ne s’attachait qu’au choix des armes n’a pas consenti à voir une corrélation entre cet incident et ma lettre et s’est prétendu seul offensé.
Je l’ai suivi dans cette voie et j’ai investi mes témoins du mandat de n’accepter une rencontre au pistolet qu’à douze pas. A cette distance seulement ma vue s’exerce avec netteté et précision. Je ne suis pas malheureusement un myope d’occasion ; à une distance plus considérable je me serais trouvé, vis à vis de M. Mignot qui a, paraît-il bon œil, dans une situation d’infériorité indéniable. Les vingt pas proposés par ses témoins augmentaient ses chances et diminuaient les miennes. Il y aurait eu de ma part véritable puérilité à en passer par là. MM. Leban, Baron et Massel n’ont pas pensé comme moi et se sont séparés sur le procès-verbal qu’on a lu.
Voilà donc l’affaire Mignot-Couturier close sur des flots d’encre au lieu des flots de sang qu’on attendait.
Toutefois l’affaire Mignot-Couturier n’est pas l’affaire Couturier-Mignot et l’avortement de celle-là n’entraîne pas l’avortement de celle-ci, qui, au contraire, s’affirme aujourd’hui plus carrément que Dimanche, puisque nous sommes, cette fois, en présence du public.
M. Mignot n’ayant pas su profiter de sa qualité d’offensé pour en finir avec moi, je suis fondé à revendiquer, à mon tour, pour en finir avec lui, cette même qualité.
Ou M. Mignot n’a recherché que la satisfaction peu dangereuse d’occuper la galerie ou il a voulu un duel sérieux. Dans le premier cas sa « conduite sera appréciée par tous à sa juste valeur » ; dans le second, il devait m’envoyer, après la retraite de M. J. Leban deux autres de ses amis qui l’auraient assisté dans une rencontre à douze pas. Ce qu’il a complètement négligé.
Je rentre dès lors dans la plénitude de mon droit pour un instant abdiqué et je demande à M. Mignot d’en user avec moi comme j’en ai usé avec lui et de me rendre raison de ses paroles du lundi 7 octobre.
Et j’ajoute, pour qu’on ne soit point surpris de voir repousser ma demande, que l’épée de combat, arme de bonne compagnie s’il en fût, a tous mes préférences.
F . Couturier.
A.M. Brehier – Imprimerie – Papeterie,
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