Les cartes anonymes du XVIIe
C’est à la fin du XVIIe que l’on verra apparaître les premières cartes exclusives de Saint-Pierre. Elles sont nées lors de la période la plus mouvementée de la colonie de Plaisance soit moins de vingt ans avant son abandon définitif. Terre-Neuve et ses bancs de pêche sont alors l’objet de convoitises grandissantes entre l’Angleterre et la France, les petits conflits ne cessent alors de troubler les campagnes de pêche.
Nous entamerons l’étude des cartes particulières de Saint-Pierre et Miquelon par l’examen de deux documents anonymes du XVIIe siècle, sauvés de l’oubli grâce aux soins de Bellin et de ses prédécesseurs au dépôt des cartes et plans du Ministère de la Marine.
La qualité géographique de ces deux plans est assez maigre. L’absence de rigueur dans le tracé, la déformation des rives du barachois et des îles avoisinantes nous amène à conclure que ces œuvres sont les travaux de capitaines de vaisseaux ou de pilotes qui fréquentaient les Bancs de Saint-Pierre et non d’ingénieurs géographes.
Plan du port de la Colonie Sc 91 438
Le document intitulé Plan du port de la Colonie de l’Isle de St Pierre Située dans l’Amérique Septentrionnalle que la Bibliothèque Nationale de France a catalogué Sc 91 438 est un curieux plan du port de Saint-Pierre. Sans date et d’auteur inconnu il est néanmoins riche en informations sur l’emplacement des diverses habitations et des graves du port de Saint-Pierre vers la fin du XVIIe siècle. On y retrouve évidemment des noms rapportés par Bourde de la Rogerie[i] et Jean-Yves Ribault[ii] . La comparaison des patronymes de divers recensements et ceux de cette carte nous permet de situer la levée à une date postérieure à 1691 ; les habitants propriétaires d’habitations cités sur la carte sont presque tous présents lors du recensement de 1711 (Laussois, Desmarais). On peut admirer l’importance des installations de Belleorme sur ce document : un petit réduit, des graves, une habitation et une chapelle.
Le tracé du contour du Barachois, de la Rade et de l’Ile aux Marins, est très irrégulier et l’allure générale est très déformée. Aucun relevé topographique ne semble avoir été pris pour la réalisation de cette carte. Notons en outre l’apparition du nom Isle aux Chiens, nom qui supplantera l’île Groiseilles pendant plusieurs siècles.
- Partie de L’Isle : Saint-Pierre.
- Cap à l’aigle : Cap à l’Aigle.
- Rade : la Rade.
- Canal du Nord-est : Passe du Nord-Ouest.
- Grave de l’Amiral : Anse à Rodrigue.
- havre de barre : entre la Pointe aux Canons et l’Ile aux Moules.
- Grave des Navires : grave le long de la route de l’Aviation.
- Grave dhabitans : grave au fond du Barachois.
- habitation et grave de M. Desmarest : Desmarais dans le recensement de 1711.
- habitation et grave de M Laussoil : Lossois, recensement de 1711.
- Etang : Etang Boulot
- Grave de M debellorme :
- Grave de M de la Hoguerie :
- Isle aux Chiens – Il y a dans cette Isle quelques graves dont les Cap de Vaisseaux se servent :
- Basse bougne cette roche basse etestafleur deau :
- A petite elevation sur lisle aux Chien a mettre une baterie qui batroit les rades : sud de l’Ile aux Marins
- B grande rade ou mouilent les vaiseaux : la Rade.
- C havre de barre ou il ne reste en basse mer que six pieds deau : fond du Barachois.
- D Lieu ou mouilent les vaiseaux entrès dans le barachois ou havre de barre : Barachois.
- E Eglise des marchands : chapelle de Saint-Pierre.
- F petit réduit basti par Le sr belorme habitant : fort de Belleorme, Anse à Bertrand.
- G chapelle : chapelle de Simon de Belleorme, Anse à Bertrand.
- H montagnes très escarpees : collines de la route du Cap et le Calvaire de Saint Pierre.
- I rochers qui paraissent hors Leau : Ile aux Moules, nord de l’Ile aux Marins, autres îlots.
- J islot au milieu delarade qui a cinq toises delargeur et huit de longueur toujours decouert : Ile au Massacre
Plan de lisle de St pierre et de La baye de miquelon Sc 91 437
Le Plan de lisle de St pierre et de La baye de miquelon comporte très peu d’éléments toponymiques et se cantonne à représenter le Barachois de Saint-Pierre de la passe du sud-est au Colombier. Toutefois c’est la première carte qui représente le profil côtier ainsi que la baye de Miquelon. On y distingue nettement le Calvaire et le Cap de Miquelon. La date et l’auteur de cette carte sont malheureusement inconnus. Le tracé est brouillon et le profil côtier est déformé.
- Carte du haut
- Passage du suest : Passe du sud-est
- Le barachois : le Barachois
- St pierre : Saint-Pierre
- Chafaus : Chaffauds
- Le colombier : le Grand Colombier
- ille verte : Ile Verte
- Carte du bas
- baye de miquelon : Anse de Miquelon
- cap miquelon : le Cap
On ne voit la représentation d’aucun bâtiment sur l’île de Miquelon ; pourtant le Père Jérôme Schwindenhammer soutient qu’en 1687, Miquelon possédait déjà son église. Il confirmera même l’établissement d’une population sédentaire à Miquelon en indiquant que le Père Antoine était responsable du « soin des habitants de Saint-Pierre et de ceux de Miquelon »[iii].
[i] Henri Bourde de la Rogerie, Saint-Pierre et Miquelon (des origines à 1778) dans Extrait de la revue Le Pays de Granville. (Mortain, 1937) in-8e, 76p.
[ii] Ribault, Histoire des îles Saint-Pierre et Miquelon (voir note 11).
[iii] R. P. Hugolin, L’Etablissement des Récollets de la province de Saint-Denis à Plaisance en l’Ile de Terre-Neuve (Québec, 1911), p 22.
Note : cette série d’articles fut rédigée entre 1997 et 2004 dans le cadre d’une œuvre consacrée à l’histoire de la cartographie et de la toponymie de l’archipel. Le projet n’ayant abouti, les ébauches vous sont livrés tels quels avec pour seul objectif de mieux faire connaître cette facette particulière de notre histoire.
Cartographie et toponymie des îles Saint-Pierre et Miquelon.
De 1579 au traité d’Utrecht