Le 31 janvier 1793, la République déclare la guerre à l’Angleterre. Sur l’autre rive de l’Atlantique, à Halifax, on prépare l’invasion de Saint-Pierre et Miquelon. En avril de la même année, le lieutenant gouverneur annonce au parlement de la Nouvelle-Ecosse la déclaration de guerre de l’Angleterre. Le brigadier général James Olgivie et le lieutenant gouverneur Wentworth commencent alors les préparatifs pour leur expédition contre l’archipel. Débouter la dernière sentinelle française d’Amérique deviendra pour ces modestes officiers de la couronne anglaise une opération incontournable.
A Saint-Pierre, l’Assemblée Communale crée un comité de défense mais les moyens manquent. Quelques canons ne peuvent suffire pour défendre la colonie.
Une frégate, plusieurs navires armés, le 4e Regiment et un détachement du Royal Artillery quittent le port d’Halifax pour prendre Saint-Pierre. Le 14 mai, Olgivie débarque 300 hommes dans l’anse de Savoyard puis se dirige à pied vers la ville de Saint-Pierre. Pendant ce temps, la flotte du contre-amiral King, gouverneur de Terre-Neuve, constituée de trois frégates, deux vaisseaux de ligne et quatre navires, arrive dans le Barachois à six heures du matin.
Le gouverneur de Saint-Pierre, Danseville, suite aux exigences exposées par les Anglais, ne put que capituler. Pendant un an, suite à l’évacuation des troupes françaises, la majorité population sera gardée sur place avant d’être déportée sur Halifax, puis expulsée vers la Métropole en 1796, les prisonniers les plus dangereux seront déportés vers Guernesey. Les Anglais essayèrent par la suite de coloniser Saint-Pierre et de profiter des établissements qui s’y trouvaient, cependant le contre-amiral Richery, ayant échoué son attaque contre Saint-Jean, vint détruire tous les établissements de Saint-Pierre.
Vers la fin du mois de juin 1794, le H.M.S. Boston appareille dans le Barachois de Saint-Pierre. A son bord, Aaron Thomas, originaire de Hereforshire, rédige avec beaucoup d’effort un journal coloré et riche en détails. Lors de son séjour dans l’île, il décrit la vie quotidienne sous l’occupation anglaise.
Le récit original de Aaron Thomas en anglais.
Le lundi 7 juillet 1794, Aaron Thomas rejoint le pique-nique du Capitaine Morris, accompagné des officiers du 4e Regiment et le Capitaine Skinner du Royal Artillery. Tout ce beau monde est armé de vins et charcuteries et se dirige dans une chaloupe vers Miquelon. Après avoir passé le Petit Colombier le vent tombe, il faut alors ramer, la destination n’est plus Miquelon mais Langlade, distance oblige.
Arrivés au pied des falaises de l’île, ils essayent de débarquer dans une petite anse, mais la violence des courants impose la retraite. C’est alors que l’équipage décide de renommer ce coin et le propositions fusent de toutes part: Surprize Cove, Sudden Cove, Unawares Cove, Cove Perplexity. Suite au débat, il ne reste plus que deux propositions: Sudden ou Surprize. Une longue discussion etymologique s’ensuit et oppose le Capitaine Brown à un officier du 4e Regiment dénommé Foster. Le Capitaine Morris intervient alors pour proposer le nom de Sudden Surprise Cove. La proposition acclamée est rendue officielle par un tir d’armes, plutôt que par le jet d’une précieuse bouteille de vin.
Après avoir longé la côte, la barque arrive au Cap Percé, l’équipage remarque la présence d’une croix sur le Rocher de l’Hôpital. Ne sachant pas le nom du Cap, ils le baptisent Cape Split, écartant les propositions Cape Crack, Cape Eagle, Cape Cross, Cape Catholic. La dernière proposition est immédiatement rejetée par l’équipage Protestant.
A l’entrée de l’Anse du Gouvernement, bien d’autre caps et anses furent ainsi baptisées. Aaron Thomas, désireux de voir son nom sur une quelconque parcelle de la côte obtient le baptême d’un glacier échoué du nom Thomas’s Island!
Ainsi s’achève le baptême toponymique de Langlade par les troupes de George III. Outre ce récit, point dénué d’humour, nul autre document ne relate si directement l’acte géographique suprême : le baptême des caps, anses et repères géographiques de Saint-Pierre et Miquelon. L’histoire n’a pas donné raison à ce groupe de joyeux conquérents, mais cette procédure insolite est-elle caractéristiques lors du choix des toponymes régionaux?
Note : cette série d’articles fut rédigée entre 1997 et 2004 dans le cadre d’une œuvre consacrée à l’histoire de la cartographie et de la toponymie de l’archipel. Le projet n’ayant abouti, les ébauches vous sont livrés tels quels avec pour seul objectif de mieux faire connaître cette facette particulière de notre histoire.