Grâce aux archives du département d’État américain, nous en savons désormais davantage sur la perception de ces derniers suite à la manifestation de l’après-midi du lundi 16 novembre 1908.
À Saint-Pierre, plus d’un millier de manifestants en faveur l’école libre, avaient défilé à travers la ville avec en tête du cortège un drapeau américain. Les manifestants avaient pour objectif d’impressionner le gouverneur et le gouvernement français. Le drapeau américain fut donc planté devant la résidence du gouverneur.
Selon le consul américain Douglas Jenkins, il y avait parmi les manifestants hommes, femmes et écoliers et que les huit gendarmes des îles furent rapidement dépassés par les événements. Les manifestants se rendirent ensuite au Consulat américain, espérant l’adhésion ou la caution du Consul qui avait pris la précaution d’être absent de son bureau.
Le Consul avisa aussi le secrétariat d’État qu’il avait mené une enquête pour savoir d’où provenait le drapeau utilisé et avait du rassurer le gouverneur qu’il ne provenait pas du Consulat mais bien d’un marchand d’articles de marine qui l’avait obtenu d’une goélette américaine quelques mois auparavant.
Dans sa lettre au secrétariat d’État, le consul Jenkins explique que le sentiment pro-américain reste très fort aux îles et que la manifestation du 16 novembre fut organisé par le parti dit clérical. Encore selon la note du consul, une école confessionnelle fut construite grâce aux efforts de Monseigneur Légasse mais le gouverneur refusait d’autoriser l’ouverture de cette école.
Le lundi 16 au matin, l’école fut inaugurée mais les deux enseignants de cette école dite libre furent convoqués par le palais de justice et condamnés à une amende de 1000 francs chacun. La foule qui avait envahi la salle d’audience se précipita alors dans les rues de Saint-Pierre, défilant derrière un drapeau américain comme décrit précédemment. Le consul rapporta aussi que des manifestants avaient alors cassé les carreaux de l’école laïque et que d’autres s’en prirent au juge en le scandant et l’insultant.
C’est uniquement après réception d’un télégramme de Louis Légasse, le délégué au Conseil supérieur des Colonies, que le calme revint dans la colonie. Ce télégramme indiquait entre autre que le gouvernement avait nommé un nouveau gouverneur.
Le 4 décembre 1908, le secrétariat d’État exigea du consul américain Jenkins qu’il fasse savoir que le gouvernement des Etats-Unis n’appréciait guère l’utilisation à des fins politiques du drapeau d’un pays ami de la France et que si cela arrivait de nouveau qu’il avait l’autorisation d’exiger des autorités locales que ce drapeau soit saisi et remis au Consulat des Etats-Unis afin qu’il ne soit pas utilisé de manière aussi abusive.
Dans une note suivante, le consul fit savoir au secrétariat d’État que le gouvernement français s’estimait lésé par le comportement antipatriotique de ses habitants défilant dans les rues de Saint-Pierre derrière le drapeau d’une puissance étrangère et que le gouvernement ne réagirait pas légèrement à la prochaine offense. Le nouveau gouverneur, Pierre Didelot, tint ces paroles alors que le cuirassier l’Amiral Aube mouillait dans le port de Saint-Pierre.
En privé, le même gouverneur fit savoir au consul américain qu’il n’estimait pas que les manifestants étaient mus par un sentiment antipatriotique mais avaient maladroitement exprimé leur désir de liberté, qu’ils voulaient des écoles libres comme en Amérique mais ne désiraient pas devenir américains.
Source :
National Archives Identifier: 19355383
Container Identifier: Box 7, M862 Roll 273.
Creator: Department of State.
Intéressé par tout ce qui concerne l’armateur Louis Emile Houduce ( de ma famille )