Encyclopédie méthodique. Économie politique et diplomatique. t. 4, [Prum – Zwifalten, Supplément], partie dédiée et présentée a monseigneur le baron de Breteuil, ministre et secrétaire d’État, &c. Par M. Démeunier, avocat, & censeur royal. Démeunier, Jean-Nicolas (1751-1814). Édition : 1784-1788
Article : TERRE-NEUVE – Page 237.
Les François possèdent sur les côtes de Terre Neuve, les isles de Saint-Pierre & Miquelon.
Saint-Pierre a vingt-cinq lieues de circonférence;. un port où trente petits bâtimens trouvent un asyle sûr ; une rade qui peut contenir une quarantaine de vaisseaux , de quelque grandeur qu’ils soient; des côtes propres à sécher beaucoup.de morue. En 1773, il y avoit six cents quatre domiciliés ; & un nombre à-peu-près égal de matelots y passèrent l’intervalle d’une pêche à l’autre.
Les deux Miquelons , moins importantes sous tous les points de vue, ne comptoient que six cents quarante-neuf habitans , & cent vingt-sept pêcheurs étrangers seulement, y demeurèrent pendant l’hiver. ‘ ‘
Les travaux de ces insulaires, joints à ceux de. quatre cents cinquante hommes arrivés d’Europe sur trente-cinq navires, ne produisirent que trente – six mille six cens soixante Se dix quintaux de morue, & deux cens cinquante – trois barriques d’huile, qui furent vendus 805,490 liv.
Cette valeur ajoutée à celle de 1,421,61 5 liv. que rendit la morue verte prise au grand banc, à 3,816,580 liv., qu’on tira de la morue séchée sur l’isle même de Terre-Neuve , éleva en 177; la pêche Françoise à la somme de 6,033,685 liv.
De ces trois produits, il n’y eut que celui de Saint-Pierre & de Miquelon , qui reçurent les années suivantes quelque augmentation.
Ces isles ne sont éloignées que de trois lieues de la partie méridionale de Terre-Neuve. Par les traités , la possession des côtes emporte cette étendue. L’espace devoit donc-être en commun , ou partagé entre les pêcheurs Anglois , dont le droit f toit le même. La force,, qui prend rarement conseil de la justice , s’appropria tout. La raison ou la politique lui inspirèrent à la fin des sentimens plus modérés; & en 1776, elle consentit à une distribution égale du canal. Ce changement mit Saint-Pierre Se les Miquelons en état de pêcher l’année suivante soixante & dix cent quatre quintaux de morue sèche, & soixante & seize mille sept cens quatre-vingt quatorze de morues vertes.
Mais cette accroissement ne mit pas la France en état d’alimenter les marchés étrangers , comme elle le faisoit vingt ans-auparavant ; à peine sa pêche soffisoit elle a la consommation du royaume. Il ne restoit rien ou presque rien pour ses colonies , dont les besoins étoient si étendus. .
Cet important commerce étoit passé tout entier à ses rivaux -, depuis que la victoire lui avoit donné le nord de l’Amérique. Ils fournissoient la morue au midi dé l’Europe & aux Indes Occidentales ; ils la fournissoient même aux isles Françoises, malgré l’impôt de quatre francs par quintal, dont on l’avoit chargée pour la repousser ; malgré une gratification de trente-cinq sols par cent pesant, accordée à la pêche nationale. La Grande Bretagne voyoit avec une douce satisfaction , qu’indépendamment des consommations faites dans ses divers établissemens , cette branche d’lndustrie donnoit chaque année à ses sujets de l’ancien & du nouvel hémisphère, une masse-considérable de métaux , une grande abondance de denrées. Cet objet d’exportation seroit encore devenu plus considérable, si, au tems de la conquête la cour de Londres n’avoit eu l’inhumanité dé chasser des isles Royale & de Saint-Jean, les François qui s’y trouvoient établis, qui n’ont pas été remplacés, & qui peut être ne le feront jamais.