21 novembre, 2024

4 janvier 1889 – Un assassinat à l’ile aux Chiens.

4 janvier 1889 – Feuille Officielle des iles Saint-Pierre-et-Miquelon
Un assassinat à l’ile aux Chiens.

Les habitants de l’Ile-aux-Chiens sont encore sous le coup du drame affreux, qui a ensanglanté leur île. Le sieur Coupard, François, marin-pêcheur, âgé de 6 i ans, occupait une cabane de pèche avec son .avant, un nommé Ollivier. Ces deux hommes avaient entre eux de fréquentes altercations, sans que ces disputes dégénérassent bien loin. Cependant dans la nuit du 30 au 31 décembre, les époux Juen, voisins du sieur Coupard, entendirent un bacchanal effroyable; on chantait… Ces bruits les tinrent éveillés une partie de la nuit, et le matin, à huit heures, ils allèrent faire leur déclaration; à la gendarmerie, du potin qu’on avait fait à côté d’eux toute la nuit. Les gendarmes Dangla et Bonnaud se rendirent immédiatement à la cabane du père Coupard, et, à part certains dégâts insignifiants, tels qu’un bris de carreaux, ne virent rien de suspect. La cabane était vide, et ils crurent la père Coupard parti pour la pêche Ce n’est que dans la journée, vers 2 heures de l’après-midi, que deux amis de Coupard, Poirier et Foiré, ayant besoin d’une paire de bottes et ayant soulevé un voile de bateau, étendue clans un coin, découvrirent le cadavre entièrement nu du malheureux pêcheur.

Le Parquet, immédiatement prévenu, se transporta sur les lieux, et fit les premières constatations, en présence de M. le Docteur Camail, médecin de l’Ile.

Le cadavre avait été arrimé entre deux coffres et tassé en boule, la tête repliée sous la poitrine, et les jambes infléchies sous l’abdomen. Quand on tira le cadavre do la position où il était, un horrible spectacle glaça d’horreur tous les assistants. Le corps du sieur Coupard était atrocement mutilé.. Au-dessus du sein droit, trois incisions d’environ trois centimètres de longueur. Trois incisions semblables existaient au-dessus du sein gauche. A la gorge, la trace d’un coup de couteau qui avait pénétré jusqu’au cœur. Après ce meurtre, les assassins s’étaient acharnés sur leur victime avec une rage concentrée. Le sternum avait été fendu dans sa partie médiane, comme pour diviser le tronc en deux parties. Le ventre entièrement perforé laissait échapper les intestins. Les parties sexuelles avaient été tranchées, et dans la partie inguinale, deux sections symétriques, très profondes, indiquaient que les meurtriers avaient voulu détacher les jambes du tronc. Les meurtriers, pressés par le temps ou de crainte d’être surpris, n’avaient pu achever leur horrible boucherie, et jetant le cadavre dans un coin, puis l’ayant recouvert d’une voile de bateau, avaient pris la fuite, s’emparant de tout ce qui pouvait être emporté.

Les soupçons se portèrent naturellement sur l’avant du sieur Coupard, le nominé Ollivier qui avait disparu avec le wary de son patron, ce wary devant, le porter à la côte voisine de Terre-Neuve, suivant une supposition assez vraisemblable. 11 était intéressant de rechercher s’il avait commis le crime seul ou en comp9:.. le d’un ou plusieurs accolytes. Lundi soir seulement, on apprit qu’Ollivier avait été vu la veille avec un nommé Joseph Néel et que tous deux avaient fait des stations et des libations dans les deux cabarets de  l’ile jusqu’à 10 heures du soir. Ce Néel, bien connu à l’Ile-aux-Chiens, demeurait à St-Pierre chez un sieur Ruelland où il prenait pension. On s’informa mardi matin chez Ruelland de ce qu’était devenu Joseph Néel, et là, on apprit non sans étonnement qu’il était venu la veille de l’lle aux Chiens vers 8 heures du matin avec un Breton dont le signalement correspondait exactement avec celui d’Ollivier. Malheureusement ces deux individus étaint partis le même jour de chez Ruelland à 2 heures de l’après-midi, après avoir demandé à d’autres pensionnaires de venir les aider à pousser leur wary qui était cloué à la pointe du cap à l’Aigle. Ils avaient donc dù reprendre la mer.

Avaient-ils pu gagner la côte anglaise? C’est ce que le Parquet se demandait avec anxiété, quand M. le Procureur de la République qui s’était transporté à Plie aux Chiens pour avoir de nouveaux renseignements, reçut la nouvelle que les meurtriers présumés venaient d’être arrêtés chez le sieur Ruelland par l’agent de police Coupard. Néel et Olivier n’avaient pu gagner la côte anglaise, à cause de l’état de la mer. Ils avaient été forcés de relâcher à l’Anse-à-Henri où ils avaient laissé leur wary, avaient passé la nuit dans la cabane abandonnée de Mme Aubert, et le matin du Ier janvier étaient redescendus en ville, s’arrêtant, pour prendre des tournées de cassis, dans divers cabarets, chez Emmanuel Ruault, chez la femme Porée et chez la femme Chesnay… L’auberge Ruelland avait été leur dernière station.

A peine arrêtés, Néel et Olivier furent conduits sous bonne escorte à l’Ile-aux-Chiens pour être confrontés avec le cadavre du sieur Coupard. Ils ont fait les aveux les plus complets; Néel aurait frappé le premier, Ollivier n’aurait frappé qu’après, et sur l’invitation de Néel… Interrogés pourquoi ils avaient essayé de dépécer le cadavre de leur victime, ils ont répondu qu’ils avaient fait cela pour savoir s’il était gras…, que d’ailleurs ils étaient  « saouls perdus. » Ce serait donc sous l’influence de l’ivresse que Néel et Ollivier auraient commis un crime aussi horrible. Sur tout leur parcours les meurtriers ont pu voir combien ils soulevaient l’indignation publique. Les femmes de l’lle-aux-Chiens, ces courageuses et honnêtes travailleuses, en voulaient surtout à Néel qu’une vie de désordre a conduit là où il en est… Les deux meurtriers ont été écroués à la prison de Saint-Pierre et passeront prochainement devant les assises.


État-civil de l’île-aux-Chiens
Du 1er janvier au 31 décembre 1888.
Décès : Coupard, François, marin, âgé de 61 ans, né à Bacilly (Manche)


1er février 1889. Feuille Officielle des îles Saint-Pierre et Miquelon

Par ordonnance de M. le Président du Tribunal criminel des iles St -Pierre et Miquelon, en date du 23 janvier 1889 , le Tribunal criminel se réunira au Palais de Justice à St Pierre , le mardi , 5 février 1889 , à 9 heures du matin , à l’effet de juger les nommés Néel (Joseph -Auguste) et Ollivier ( Louis ) , inculpés de meurtre suivi de vol.

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