par NÉCROLOGIE
C’est avec un profond chagrin que nous avons à enregistrer, cette semaine, la mort de M. Lamusse, capitaine de port.
Né à Granville le 17 novembre 1824, M. Lamusse avait commandé au long-cours pendant de longues années, et s’était acquis dans sa laborieuse carrière la confiance de ses commettants et l’estime de ses compatriotes. Ayant pris sa retraite comme capitaine au long-cours, il fut nommé capitaine de port à St-Pierre en 1879, et eut dans cette colonie le même renom d’honorabilité qu’à Granville. C’était un homme de bien, dans toute l’acceptation du mot, recommandable par ses vertus privées et entouré d’une nombreuse famille qui était toute sa joie et son bonheur. À en juger par sa vigoureuse constitution, on pouvait croire que de longues années lui étaient réservées, mais ses derniers jours ont été assombris par un triste événement.
On est sans nouvelles de son fils, capitaine au long-cours, parti de Granville pour St-Pierre, au mois d’avril dernier, et l’incertitude sur l’existence de ce fils avait causé à M. Lamusse une vive souffrance morale. Sa fin rapide, inattendue a douloureusement impressionné cette population, émue encore par les pleurs de ceux qui survivent à leur chef vénéré.
Ses obsèques ont eu lieu mercredi dernier, suivies on peut le dire de tout Saint-Pierre, car M. Lamusse ne comptait pas un ennemi. Spontanément, tous les navires mouillés dans le Barachois portaient leur pavillon en berne, et ces témoignages de sympathique tristesse étaient bien dus au meilleur des hommes.
Le deuil était conduit par M. Georges Lamusse, fils du défunt, et ses deux gendres MM. Théodore Clément et Léon Humbert. Les cordons du poêle étaient tenus par MM. Le Fol, Chef du service de l’Intérieur ; Coussy, Chef du service administratif de la marine ; Noël, Capitaine d’infanterie de marine, et Clinton, négociant. Le Commandant et tous les fonctionnaires, une foule de parents et d’amis accompagnaient les restes mortels de celui qu’ils avaient connu et apprécié.
Après le service religieux, le triste convoi s’est acheminé vers le cimetière où M. Le Fol, Chef du service de l’Intérieur, s’est fait en ces termes l’interprète des sentiments de tous :
Monsieur le Commandant, Messieurs,
Quand, lundi soir, comme une traînée de poudre, s’est répandu le bruit de la mort de celui que nous conduisons aujourd’hui à sa dernière demeure, chacun de nous a ressenti une bien douloureuse émotion.
C’est qu’en effet, avec sa physionomie franche et ouverte, M. le Capitaine de port Lamusse était une de ces figures agréables qu’on aimait à rencontrer et dont le souvenir restera dans toutes les mémoires.
Nul ne pouvait croire à l’issue fatale de la mystérieuse maladie, qui n’avait d’abord été considérée que comme une légère indisposition.
Toujours disposé à rendre service, M. Lamusse se distinguait par un fond d’inépuisable bonté, une aménité parfaite.
Comme homme privé, aussi bien que comme fonctionnaire, il a toujours su mériter l’estime et la considération de tous ceux qui l’ont connu.
Et d’ailleurs, la présence dans ce champ du repos de nombreuses personnes qui m’entourent, avec notre digne Chef de colonie en tête, est le meilleur témoignage des profonds regrets et de la sympathie que M. Lamusse laisse derrière lui.
Puisse la part que chacun de nous prend à la douleur d’une famille si cruellement éprouvée être pour elle une suprême consolation !
Adieu, Lamusse, vous emportez tous nos regrets !…
Nous n’avons rien à ajouter aux paroles si bien dites par M. le Chef du service de l’Intérieur, mais avant que la tombe ne se ferme sur M. Lamusse, nous tenons à envoyer l’expression de notre sympathie et de nos condoléances à M. Nicolas, lieutenant d’infanterie de marine, gendre de M. Lamusse, qui, appelé à servir à Madagascar pour défendre, les armes à la main, nos droits méconnus, est loin de s’attendre au coup douloureux qui est venu ravir à une intéressante famille un père respecté et adoré !
Document numérisé et reproduit numériquement à partir de l’original, aux Archives de Saint-Pierre-et-Miquelon.
