par Mardi dernier ont eu lieu les obsèques de Madame veuve Lelorieux, sage-femme, décédée à l’âge de soixante-seize ans.
Quelques lignes sont bien dues à toute une vie consacrée au soulagement de la souffrance humaine, et à ceux qui seraient tentés de trouver cette notice excessive, nous répondrons que tout n’est pas rose dans le métier de sage-femme à Saint-Pierre.
Se lever à toute heure de la nuit, pénétrer dans un logis où l’on gèle, s’asseoir an chevet d’une malade qui semble demander pardon de tout ce qui manque, telles sont le plus souvent les aubaines de la profession.
Dans ces ménages pauvres, on peut dire que la sage-femme se constitue de sa propre autorité l’ange du foyer. Elle n’a pas seulement à veiller à la délivrance de la mère, il faut que par son intelligence débrouillarde elle pourvoie à tout ce que la naissance de l’enfant réclame d’accessoires.
Et une fois la besogne finie, par quelle rémunération sera-t-elle payée de ses soins? Si elle était exigeante — mais elle ne l’est pas — son aptitude à se faire payer rappellerait le fameux tableau de Murbei ou on voyait sur une grande route un enfant de bohémiens hàve, dégénéré, tendant la main à un pauvre vieux, assis dans un fossé, qui se fouillait inutilement. La figure de ce vieux était extraordinaire, tant sa surprise était grande de ce qu’un misérable comme lui pût lui tendre la main, lui demander l’aumône, à lui qui était dans le plus grand dénuement.
Voilà pourquoi la mère Lelorieux qui a ouvert les portes de la vie à tant d’êtres aujourd’hui dans la force de l’âge est murie pauvre, laissant à peine de quoi se faire enterrer. L’opinion publique ne s’y est pas trompée. Elle a sacré d’une auréole cette brave femme qui, pendant les cinquante années de son ministère, s’était faite en quelque sorte la prêtresse désintéressée — et prêtresse des mystères: la maternité.
Document numérisé et reproduit numériquement à partir de l’original, aux Archives de Saint-Pierre-et-Miquelon.
