Le dimanche 19 février, à 3 heures de l’après-midi, un incendie s’est déclaré dans la maison servant d’habitation aux gardiens du phare et aux mécaniciens du sifflet de brume. Le feu a pris au rez-de-chaussée, dans le logement occupé par Mme Charlès, dont le mari était absent. Celle-ci qui était malade et alitée vit tout-à-coup les boiseries éclater sous la pression des flammes; elle n’eut que le temps de vêtir un jupon et d’échapper, un enfant de neuf mois dans les bras.
En un instant le bâtiment fut embrasé; un fort vent d’Est activait la combustion. Tout ce qu’on jetait par les fenêtres, du premier étage, tourbillonnait sous la force du vent et filait à la mer. Les gardiens ont perdu une grande partie de leur mobilier et de leurs effets d’habillement. En moins de 25 minutes, il ne restait plus que les 4 murs en béton, du vaste bâtiment qui abritait 3 ménages, et deux gardiens célibataires.
La tour du phare, ainsi que le corps de bâtiment où est installé l’appareil du sifflet à vapeur n’ont pas souffert. Où la détresse a été impressionnante, c’est le départ des familles qui se trouvaient sans abri, quatre femmes et neuf enfants. Il y avait des petites habillées avec des vêtements d’hommes. Heureusement, la solidarité, sur ce petit coin perdu de Langlade, a pourvu au plus pressé. Les gendarmes Bonnaud et Miniac, les fermiers Ollivier et Girardin, à la nouvelle du sinistre, sont accourus en traîneaux et ont amené chez eux les femmes et les enfants qui manquaient de tout. Le personnel mâle du phare et du sifflet s’est réfugié dans la boulangerie, tandis que Girouart (Joseph), mécanicien, et Morel (Emile), gardien de phare, empruntaient un doris au père Fouchard, à l’Anse à Rosse, et arrivaient mardi à Saint-Pierre, porteurs de la nouvelle de la catastrophe.
Mis au courant de la situation, M. le Gouverneur a dépêché le vapeur Progrès pour porter aux sinistrés les premiers secours que nécessitait leur état. Il faut avouer que la Pointe-Plate n’a pas de chance. En novembre 1894, un incendie détruisait les glaces de la lanterne et les boiseries intérieures de la tour. Dimanche dernier, un autre incendie anéantissait la seule maison bâtie sur ce promontoire désert. C’est à croire que la Pointe-Plate est vouée à quelque Divinité infernale. Malgré la gêne causée par les conséquences de l’incendie, le service du phare et de la sirène est assuré.
Document numérisé et reproduit numériquement à partir de l’original, aux Archives de Saint-Pierre-et-Miquelon.