22 décembre, 2024

1884 – Élection d’un Délégué : Duluc dit Louis Henrique

L’Administration a reçu de MM. Paturel, H. Lecharpentier, Duluc dit Louis Henrique et A. Tranchevent, candidats à la délégation près le Conseil supérieur des Colonies, les professions de foi suivantes, qu’elle se fait un devoir d’insérer dans la Feuille officielle de la colonie, ce journal étant le seul organe de publicité dont on puisse disposer à Saint-Pierre.

Élection d’un Délégué au Conseil supérieur des Colonies

Profession de foi : Louis DULUC dit Louis HENRIQUE, Ancien officier, ancien secrétaire général de préfecture, rédacteur du XIX° Siècle, rédacteur en chef de l’avenir des Colonies et de la marine.

Mes chers concitoyens,

Il y a quelques semaines, je me présentais à vous sous les auspices d’hommes que vous estimez et que vous aimez. Je vous rappelais en peu de mots qui je suis et comment j’ai servi jusqu’ici la cause des colonies.

Mon appel a été entendu. J’ai reçu les adhésions formelles et sympathiques d’un grand nombre d’entre vous, de ceux particulièrement qui applaudissent à mes efforts et suivent de loin la campagne que j’ai entreprise dans la presse parisienne, dans le XIXe Siècle, dont je suis collaborateur depuis de longues années, et dans l’Avenir des Colonies et de la Marine que j’ai créé tout spécialement en vue de défendre les intérêts des colonies françaises, les vôtres, par conséquent.

Quelques-uns d’entre vous pourtant, et non des moins autorisés, ont mis certaines conditions à leur concours. Ils m’ont posé certaines questions auxquelles j’ai le devoir de répondre avec la plus entière franchise. Ils m’ont invité à dire hautement dans une nouvelle profession de foi comment j’entendais exercer, au conseil supérieur des colonies, le mandat que je sollicite des électeurs de Saint-Pierre et Miquelon, et de quels moyens je disposais pour faire prévaloir au sein de la Haute assemblée coloniale les légitimes aspirations de votre population laborieuse dont je crois connaître tous les besoins.

Je répondrai aussi nettement que possible. Oui, je connais vos voeux et vos besoins. Je sais que vous avez le culte des franchises municipales, que vous demandez à être associés d’une façon plus intime, plus directe, plus réelle à la gestion des affaires communales. ..  »

La Métropole a accordé avec une munificence prodigue toutes les libertés (conseils généraux, représentation au – Parlement : nos colonies des Antilles, de la Cochinchine et même du Sénégal, où l’élément indigène est en grande majorité. A vous, les rejetons vivaces de la vieille race française, elle a mesuré avec une parcimonie jalouse le droit de contrôle sur l’emploi de vos deniers.

Vous méritez autant que les créoles du Sénégal et des Antilles; vous néritez mieux que les Annamites de Cochinchine, que les Canaques de Tahiti. Vous avez droit à une représentation plus complète dans le conseil d’administration.

Ce droit, si je suis votre mandataire, je le revendiquerai en votre nom.

Je sais que l’industrie maritime vous fait vivre. Je m’appliquerai à la débarrasser de toutes les entraves qui nuisent à son développement. Votre barachois, rempli de hauts fonds dangereux, a besoin d’un entretien constant; la digue qui protège, imparfaitement encore, vos goëlettes au mouillage devra être achevée. Ce sont là des travaux d’utilité publique: la métropole en devra prendre une partie à sa charge. Elle n’a point marchandé les millions à l’île de la Réunion quand il

s’est agi de la doter d’un port et d’un chemin de fer. Vous n’avez que faire d’une voie ferrée, mais un port sûr vous est indispensable.

Il appartiendra à votre délégué de demander pour vous ce que l’Etat n’a pas refusé à d’autres colonies moins importantes que Saint Pierre et Miquelon.

Au surplus, dans cet ordre d’idées, l’intérêt métropolitain est en jeu autant ét plus que l’intérêt de votre colonie. L’intérêt métropolitain a dans le Parlement des représentants nombreux et autorisés; votre-délégué devra s’inspirer surtout de l’intérêt local, c’est dire des besoins de la population maritime tout entière, qui vit par la pêche et le cabotage.  Mais celui que vous élirez ne devra pas perdre de vue que l’élément : métropolitain et l’élément local concourent à l’accroissement de la richesse publique dans vos îles. Il ne faut pas que votre choix soit exclusif. Il est tel candidat dont le nom signifie d’avance effacement de l’intérêt local, il

en est tel autre dont la nomination équivaudrait à une véritable scission entre la colonie et le commerce · métropolitain. Si vous ne voulez pas donner cette signification à votre vote, vous n’accorderez vos suffrages qu’à un candidat qui, personnellement, n’a ni intérêts contraires aux vôtres, ni préventions injustes contre les Métropolitains qui viennent trafiquer chez vous.

Mais il est une autre question qui touche de plus près encore aux intérêts vitaux de la classe laborieuse, et ici je m’adresse plus spécialement aux pêcheurs de Saint-Pierre, de l’île aux Chiens et de Miquelon et je leur dis : Je connais vos pénibles labeurs; je sais que vous êtes les agents les plus actifs de la prospérité commune. Je sais que sous le climat rigoureux de l’Amérique du Nord, votre rude métier vous expose à mille dangers et trop souvent aux atteintes de la maladie. Je voudrais que malades vous ayez droit, comme les travailleurs de nos villes, comme les marins de nos ports, aux soins gratuits s’il est possible, ou tout au moins aux médicaments livrés à un prix uniforme, et d’après un tarif équitablement établi.

Lorsque vos femmes, deviennent mères, je voudrais qu’elles aussi, qui donnent à notre marine ces robustes matelots dont nous sommes fiers, je voudrais qu’elles n’eussent pas la charge des honoraires du médecin, alors que c’est la colonie tout entière qui bénéficie de leur fécondité.

Je le demanderai pour vous avec ténacité et avec la certitude de défendre une cause juste.

Ce n’est pas tout.

Il est inhumain de tolérer plus longtemps que le pêcheur, à la suite de malheurs immérités, puisse se trouver sans asile, lui et les siens. Sans asile à Saint-Pierre et Miquelon! Quelle invraisemblance ! Il faut que, grâce à des mesures économiques dont l’étude s’impose, le pêcheur deviennent progressivement propriétaire de la cabane qui abrite sa nombreuse famille. C’est un difficile problème à résoudre, je le sais : il n’est pas plus insoluble que ne l’était jadis la question des cités ouvrières. Les marins de vos îles ont droit à la sollicitude de l’Etat autant, et plus peut être, que les ouvriers des grandes cités. Je considère comme un devoir de travailler dans ce sens à l’amélioration sociale de votre courageuse population.

Mes chers concitoyens, telles sont les revendications dont je me ferais l’apôtre devant le conseil supérieur des colonies, si vous m’honoriez de vos suffrages.

Mais votre délégué peut, à un autre point de vue, être appelé à jouer dans la Haute assemblée coloniale un rôle prépondérant. Ne vous y trompez pas, l’élection de Saint-Pierre et Miquelon aura une importance politique plus considérable qu’on ne vous l’a dit : la voix de votre élu peut faire ou défaire la majorité du conseil supérieur, étant donné les éléments qui composent cette assemblée.

Suivant que votre délégué saura ou non prendre l’attitude que votre intérêt bi n entendu lui commande, suivant qu’il aura ou non le talent de se faire écouter, il exercera on non auprès du pouvoir central l’influence légitime dont il a besoin pour servir utilement votre colonie. Vous me connaissez par mes écrits; vous savez de quoi je suis capable et quels sont mes moyens d’action; vous direz si vous me jugez en situation de plaider votre cause auprès du gouvernement métropolitain. – –

Un dernier mot. J’estime que l’élection que vous allez faire ne peut pas créer une charge pour les contribuables de la colonie. Votre délégué vous représentera près des pouvoirs publics en France au même titre que les députés des Antilles, du Sénégal, de la Cochinchine, de la Réunion, de la Guyane représentent ces colonies; il a le droit à la même indemnité payée par l’État. L’électeur de Cayenne ou de Saint Louis ne paye pas son représentant; vous ne devez pas payer le vôtre .

Je sollicite vos suffrages et non pas votre argent !

Louis DULUC dit Louis HENRIQUE, Ancien officier, ancien secrétaire général de préfecture, rédacteur du XIX° Siècle, rédacteur en chef de l’avenir des Colonies et de la marine.

Grand Colombier

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