par Mémoire historique sur la négociation de la France & de l’Angleterre, depuis le 26 mars 1761 jusqu’au 20 septembre de la même année, avec les pièces justificatives.
Etienne-François duc de Choiseul.
Reponse de l’Angleterre à l Ultimatum de la France reçue le 1 Septembre 1761
1e De laiſſer aux ſujets François la liberté de pêcher dans le golſe Saint Laurent à cette condition la plus expreſſe à favoir Que leſdits ſujets François s’abſtiennent de cette pêche particulière ſur toutes les côtes appartenantes à la Grande Bretagne ſoit celles du continent fuit celles des iſles ſituées dans ledit golſe Saint Laurent de laquelle pêche les poſſeſſeurs ſeuls defdites côtes ont conſtamment joui & qu’ils ont toûjours exercé fauf toutefois le privilége accordé par l’article XIII du Traité d’Utrecht aux ſujets de la France de pêcher & de ſécher la morue dans une partie ſpécifiée des côtes de Terre neuve lequel privilége eſt propoſé d’être renouvelé à la France comme deſſus.
2e Le Roi conſentira de céder à Sa Majeflé Très Chrétienne l’iſle de Saint Pierre avec ſon port laquelle ile par rapport à cette partie de Terre neuve qui ſe trouve entre la baie de Placentia & la baie de la Fortune eſt ſituée oueſt fud oueſt & fon port s’ouvre vers le nord eſt la partie intérieure duquel port s’appelle Bourgway l’iſle de Saint Pierre que le Roi veut céder eſt ſéparée par un petit détroit d’une autre iſle connue fous le nom de Maquelon ou de Michelon laquelle eſt au nord de ladite iſle de Saint Pierre 6
A la ceſsion de ladite iſle comme deſſus Sa Majesté mettra quatre condi tions indispensables.
1. Que la France ſous aucun prétexte ou ſous aucune dénomination que ce ſoit n’élevera de fortifications ſoit dans ladite iſle ſoit dans fon port ni ne pourra y entretenir de troupes ni y avoir d’établiſſement militaire quelconque
2. Que ladite iſle & ledit port ſerviront d’abri uniquement aux bâtimens pêcheurs de la nation Françoiſe & qu’il ne ſera pas permis à la France de participer la commodité dudit abri aux bâtimens pêcheurs ou autres vaisseaux de quelqu’autre Nation que ce ſoit
3. Que la poſſefsion de l’iſle de Saint Pierre comme deſſus ne ſera cenſée en aucun cas tranſporter attribuer ni participer de quelque manière que ce ſoit le moindre droit ni faculté de pêcher ou de ſécher la morue dans aucune autre partie des côtes de Terre neuve au delà du district expreſſement articulé & fixé à cet eſſet par l’article XIII du Traité d’Utrecht c’est à dire a loco cap Bonavista nuncupato ufque ad extremitatem ejufdem inſulæ ſeptentrionalem in deque ad latus occidentale recurrendo ufque ad locum Pointe riche appellatum.
4. Qu’il ſera libre en vertu de la cefsion de ladite iſle comme deſſus à un Commiſſaire Anglois d’y réſider ainſi qu’au Commandant de l’eſcadre Britannique de Terre neuve de viſiter de temps en temps ladite iſle & ledit port de Saint Pierre pour voir à l’obſervation des ſtipulations énoncées comme deſſus.
[…]Dernier Memoire de la France à l’Angleterre 9 Septembre 1761
Quant à la ceſſion de l’iſle de Saint Pierre la petiteſſe de cette isle & fa poſition auprès de Plaisance ont fait juger au Roi que cet abri se oit illufoire & ſerviroit plustôt à faire naîte des contestations entre les deux Nations qu’à procurer des facilués pour la pêche aux Sujets françois.
Le Roi avoit demandé l’iſle du Cap Breton ou l’iſle de Saint Jean à l’Angleterre. Sa Majesté s’étoît reſtreinte à la petite iſle de Canceau, Elle fait encore la même propoſition à Sa Majeſté Britannique ou ſi le Roi d’Angleterre ne peut pas par des raifons que l’on ne pénètre pas en France convenir de ceſſion de l’iſle de Canceau on propoie d’ajouter à l’ile de Saint Pierre la ceſſion de l’iſle de Maquelon ou de Michelon deux iſles dont l’une qui eſt Saint Pierre a une lieu de largeur & Michelon deux lieues Quelque peu conſidérable que foient ces deux établissemens qui proprement n’en forment pas un le Roi les acceptera & veut bien s’impoſer la condition 1e qu’il n’y aura dans l’une & l’autre iſle ou dans celle de Canceau ſi l’Angleterre cède cette dernière aucun établissement militaire la France entretiendra ſeulement une garde cinquante hommes pour préter main forte à la police qu’il ſera néceſſaire de maintenir dans ces iſles.
2. Autant qu’il ſera poſſible vû la foibleſſe de la garde de police le Roi empêchera tous bâtimens étrangers même anglois d’aborder dans ces iſles.
3. La France ne prétend pêcher & ſécher la morue ſur la côte Terre neuve que ſelon la ſtipulation de l’article XIII du Traité d’Utrecht pourvû que l’on entende qué les françois pourront ſécher & pêcher ſur les côtes de Saint Pierre & de Michelon
4. Enſin le Roi permet qu’il réſide un Commiſſaire anglois dans lef dites iſles qui ſera témoin de l’exactitude avec laquelle l’on obſerva les conditions arrêtées dans le Traité.
[…]On conſentoit que la liberté de la pêche dans le golſe Saint Laurent & ſur le banc & les côtes de Terre neuve fût la compenſation de la dềmolition de Dunkerque on acceptoit la ceſſion de l’iſle de Saint Pierre à des conditions plus qu’onéreuſes l’union de celle de Miquelon à Saint Pierre étoit de la plus petite conſéquence & même le Duc de Choifeul a dit à M Stanley que l’on n’inſiſteroit pas ſur cette ceſſion.
Il eſt vrai que le Roi rejeta la condition de la viſite de l’Amiral anglois & que Sa Majesté étoit déterminée à reſuſir pluſtôt la poſſeſſion de Saint Pierre que de conſentir à cette viſite inutile pour le maintien des ſtipu lations du Traité & contraire à la dignité de la Nation françoiſe puifque cette condition ne paroiſſoit être propofée que dans la vue de marquer de la par des Anglois une fupériorité déplacée.
