22 décembre, 2024

1906 – La crise de Saint-Pierre et Miquelon

Le Temps, lundi 24 décembre 1906, No 16621
La crise de Saint-Pierre et Miquelon

On a récemment annoncé dans la presse qu’un grand nombre des habitants des îles Saint-Pierre et Miquelon quittaient ces îles pour aller s’établir au Canada, et que, parmi ceux qui continuent à résider dans cette colonie, un certain nombre, pour protester contre l’abandon où la métropole les laissait, voteraient pour le président Roosevelt aux prochaines élections pour le conseil supérieur des colonies.

Il ne faudrait pas s’exagérer le caractère de cette manifestation, au cas morne où elle aurait lieu; les huit mille habitants de Saint-Pierre et Miquelon restent de très bons Français, mais ils traversent, en effet, une crise extrêmement grave.

Depuis trois ans, la pêche à la morue, qui est la seule industrie de l’île, a donné des résultats médiocres. Les pêcheries anglaises persistent à refuser aux marins de Saint-Pierre la boette, c’est-à-dire l’appât nécessaire à la pèche de la morue. Cette situation est grave pour la métropole elle- même notre flottille de pêche des îles Saint-Pierre et Miquelon (sans compter les 400 petits bateaux faisant la pêche côtière) qui a été de 220 navires, se trouve aujourd’hui réduite à 75 goélettes. Les armements de Fécamp et de Saint-Malo, les ports de Bordeaux, Bayonne, Marseille, Port-de- Bouc et Martigues se ressentent également du contrecoup, ainsi que, dans un autre ordre d’idées, les ports de Binic, Paimpol et-Nantes, qui fournissaient de nombreux transports portant du sel à Saint- Pierre et en rapportant des cargaisons de morue. Plus de 80,000 personnes en France vivaient plus ou moins directement do l’industrie de, la pêche à Terre-Neuve. Plus généralement, toutes les parties de la France qui consomment la morue se ressentent de l’état actuel des choses. Mais les îles Saint-Pierre et Miquelon sont plus directement atteintes. Une des causes de l’abandon de Saint-Pierre et Miquelon est évidemment l’application de notre tarif douanier et l’élévation des droits de port, qui se montent à 3 francs par tonne, alors qu’ils sont do 0 fr. 50 dans les ports de Terre-Neuve.

De plus, cette petite colonie doit payer sur ses propres ressources une somme annuelle de 100,000 francs pour subvention au service postal elle est la seule de nos possessions pour laquelle cette dé- pense postale n est pas acquittée par la métropole. M. Légasse, délégué depuis plus de douze ans de Saint-Pierre et Miquelon au conseil supérieur des colonies, estime que pour relever la situation il se- rait nécessaire que le gouvernement français prît cette dépense à sa charge, en y ajoutant les 700,000 fr. de subvention déjà accordés par la Chambre pour l’entretien des phares et divers autres services publics, qui profitent surtout à la marine métropolitaine.

De plus, il semble que le ministère des colonies soit disposé à rétablir le poste de gouverneur. Il n’y « plus dans ces îles qu’un administrateur que son •grade et la faiblesse de son traitement mettent dans un état d’infériorité vis-à-vis des consuls étrangers qui y sont établis.

En autorisant enfin la création dans l’une des îles d’une huilerie de baleine et en établissant un appareil frigorifique qui permettrait la conservation de la boette, tout porte à croire qu’on pourrait restituer à ces deux iles la prospérité qu’elles ont connue jadis.

 

 

Grand Colombier

Le GrandColombier.com est un site recensant tout document historique ayant un lien avec les îles Saint-Pierre-et-Miquelon : traités, cartographie, toponymie, archives, sources primaires, études, recherches, éphémérides. Le site est dirigé par Marc Albert Cormier. Profil Acadmedia.edu: https://independent.academia.edu/MarcAlbertCormier

Voir tous les articles de Grand Colombier →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Social Widgets powered by AB-WebLog.com.