L’Écho Français 19 août 1843
Le Journal du Havre nous rapportait hier la nouvelle d’une violence sanglante commise par des marins anglais contre des pécheurs français. Aujourd’hui le National de l’Ouest publie une lettre qui annonce un fait plus grave encore s’il est possible :
« Saint-Pierre-de-Miquelon, le 23 juillet 1843.
« Monsieur,
« Je ne puis laisser ignorer à mes compatriotes un assassinat qui vient d’être commis par un officier de la marine royale anglaise sur la personne d’un pêcheur français.
« Ce malheureux est natif des environs de Dinan, et, depuis plusieurs années venait faire la pêche à Terre-Neuve.
« Il sortit, le 16 du courant, dans sa pirogue, accompagné de deux enfans, pour pêcher la morue. Le calme et les courant le portèrent près la côte de la grande terre de Terre-Neuve ; il se trouva près d’une péniche garde-côte qui tira immédiatement sur lui à balle ; le second coup l’atteignit à la tête et le tua. Les deux enfans, effrayés, ne pensèrent pas à amener leurs voile», et se couchèrent au fond de la pirogue pour éviter le sort du malheureux patron, car on leur tira encore deux coups de fusil. La péniche anglaise les accosta et les conduisit à Lameline, petit port anglais ; on renvoya le lendemain la pirogue et le malheureux décédé, en écrivant au gouverneur qu’on était bien fâché de cet événement; qu’on avait tiré seulement pour leur faire peur et non avec l’intention de leur faire du mal (comme si l’on tirait à balle sur les gens sans avoir ‘intention de les atteindre), et notez bien que c’est l’officier commandant la péniche qui a tiré.
« M. le gouverneur a expédié à Lameline la goélette du roi la Gentille pour faire une enquête. L’officier anglais s’est rendu à bord, a fait des excuses, s’est reconnu coupable involontaire, et a persisté à dire qu’il n’avait pas eu l’intention de les atteindre. (enfin tout mauvais cas est niable). On lui a représenté qu’il pouvait facilement s’emparer de la pirogue, si toutefois il la supposait en contravenion; mais non pas tirer à balle sur des hommes inoffensifs et qui n’avaient pu maîtriser les élémens.
« Il est défendu aux pêcheurs français de pêcher sur les côtes anglaises, cela est vrai; mais celui-là ne pêchait pas; il était à la voile et faisait route pour s’éloigner de la côte.
« Cet événement peut en attirer de plus grèves, car les pêcheurs anglais sont continuellement à Saint-Pierre, et personne ne leur fait de mal, au contraire.
« Il y a quelque temps qu’une goélette de guerre française sauva un bateau pêcheur anglais qui avait fait côte : le commandant fit réparer le bateau ; l’équipage de la goélette fit sécher la morue, ou rechargea le bateau, on lui donna des vivres, et il put continuer sa pèche. Etablissez maintenant le parallèle.
« Le gouverneur expédia de suite la goélette la Gentille à Saint-Jean, résidence du gouverneur anglais, pour lui rendre compte de cet assassinat volontaire, qui plonge dans la misere la malheureuse famille de ce pêcheur. 23
« Agréez, etc J. NAUGRAS