22 décembre, 2024

Gilbert de Bournat : décembre 1941, l’arrivée de la France Libre et l’exil [3/6]

Ceci est le troisième texte d’une série de six articles, consacré à l’ancien gouverneur des îles Saint-Pierre et Miquelon.

Le départ de Gilbert de Bournat et de son épouse Suzanne devint un sujet préoccupant pour les gaullistes et l’Amiral Muselier. Que désirait véritablement l’ex-administrateur ? Pendant un temps il demanda son envoi sur Halifax où étudiait sa belle fille Nicole. Selon ses dires, les gaullistes s’opposèrent à cette requête de crainte de le voir présent dans la proche région de Saint-Pierre et Miquelon.

Prisonnier pendant plus de cinquante jours sur un des navires du port de Saint-Pierre, son départ se fit à bord du Roselys commandé par le Lieutenant de Vaisseau Bergeret. Première escale à Argentia, c’est accompagné par deux torpilleurs et une corvette que le convoi traversa l’Atlantique vers l’Irlande du Nord : un temps menacé par des U-Boats, le convoi arriva à Londonderry.

Des inspecteurs irlandais accompagnèrent le couple de Bournat jusqu’en Angleterre. Quel fut alors son statut en Angleterre ? Etait-il prisonnier ? Et de qui ?  Un article du Diario de Lisboa du 28 mars 1942 fait état d’un manque de communication entre les Français libres et le Gouvernement britannique autour de ce prisonnier encombrant.

Raymond Audibert, correspondant adjoint de l’Office Français de l’Information en poste à Lisbonne traduisit la dépêche de l’United Press à cet effet.

« Les cercles diplomatiques bien informés de Washington annoncent que le Baron Gilbert de Bournat, administrateur du Gouvernement de Vichy dans les îles de Saint Pierre et Miquelon, a été emmené à Londres par les ‘Français libres’, sans que le Gouvernement britannique en ait été informé auparavant. Les négociations destinées à résoudre le problème de l’occupation des îles de Saint Pierre et Miquelon par les ‘Forces françaises libres’ en vue du retrait de ces forces, se poursuivant entre le Gouvernement de Vichy et celui de Washington. En échange de l’action menée dans ce sens par le Gouvernement de Washington, le Gouvernement de Vichy autorisera, les Etats-Unis à exercer un contrôle limité sur ces îles, situées dans la région de Terre-Neuve (United Press). »

Prisonnier emcombrant pour les FFL, son départ pour Vichy s’orchestra peu de temps après son arrivée en Angleterre. Depuis Bristol, les services britanniques  organisèrent, sans aucun doute avec l’accord des gaullistes, leur départ sur Lisbonne.

Fidèle à ses principes de Bournat se rendra donc à Vichy dans les prochains jours. Il est clair que sa fidélité au régime du maréchal Pétain était sans équivoque en 1942. Qu’importe ses justificatifs futurs, ce sont les actes qui parlent et son rapatriement volontaire sur Vichy scelle définitivement son destin politique.

« Le gouverneur de Saint-Pierre et Miquelon et Mme de Bournat qui sont actuellement à Lisbonne doivent partir pour Vichy dans le courant de la semaine.

On sait dans quelle circonstances dramatiques, le 24 décembre dernier, le gouverneur de Bournat a dû céder devant le coup de force des forces de la dissidence sous les ordres de l’ex amiral Muselier.

Se réservant de faire au gouvernement français un rapport sur l’administration qui lui a été confiée à Saint-Pierre-et-Miquelon et sur les incidents qui ont provoqué sont départ, l’ancien gouverneur a souligné, une fois de plus au représentant de l’agence Havas O.F.I., que ne disposant d’aucune force armée, à part quelques gendarmes chargés de l’ordre dans l’île, il dut s’incliner devant les canons.

M. de Bournat a rappelé avec émotion la fidélité qu’ont témoignée au représentant de la France les habitants de l’île dont pendant 5 ans, il a assuré l’administration.

Le voyage de retour de l’ancien gouverneur, qui a duré 3 semaines à bord d’une corvette jusqu’en Irlande, puis à bord d’un hydravion jusqu’à Lisbonne, s’est effectué sous le contrôle du gouvernement britannique.

L’amiral Platon, secrétaire d’Etat aux Colonies adresse au gouveneur de Bournat ce télégramme : ‘Au moment où victime de l’acte le plus honteux et le plus absurde qu’ait encore enregistré l’histoire des crimes des traitres gaullistes, vous abordez l’Europe et bientôt la France, je tiens à vous exprimer ma satisfaction de la fière et ferme attitude que vous avez opposée à la trahison et vous adresse mon message de cordial accueil’ – Signé Platon. »

De la capitale lusitanienne, ils se rendirent sur Madrid puis grâce au concours de l’Ambassadeur de Vichy M. Piétri, Gilbert et Suzanne de Bournat firent alors route vers la France. Le 2 février 1942, de retour en France, Gilbert de Bournat est alors élevé au grade de gouverneur de Saint-Pierre et Miquelon par décrêt du maréchal Pétain.

Lundi prochain : ses activités d’après guerre

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