21 novembre, 2024

1866 – Moeurs maritimes. Le Tableau de la mer : Les îles de St.-Pierre, Miquelon et Langlade

Le Tableau de la mer. Moeurs maritimes, par G. de La Landelle
La Landelle, Gabriel de (1812-1886). Édition : 1866

Les îles de St.-Pierre, Miquelon et Langlade ou Petit Miquelon, et quelques îlots voisins, composent  désormais notre unique domaine. Humble débris de  la puissance française dans l’Amérique septentrionale, ce groupe, situé à cinq lieues au sud de l’île de  Terre-Neuve, est, sans contredit, la plus ignorée de  nos possessions d’outre mer. C’est là pourtant  que se trouve aujourd’hui le centre de notre plus  grand mouvement maritime. C’est là que se donnent rendez-vous, chaque année, de nombreux  bâtiments dont les équipages sont fraternellement  accueillis par une population de compatriotes  placés en quelque sorte aux avant-postes de nos  grandes pêches. C’est là que vit sous un ciel gris et  lourd, au milieu des brumes et des glaces, une  poignée d’obscurs travailleurs que les guerres ont souvent forcés d’abandonner leurs tristes cabanes  pour regagner le sol de la mère patrie, et que la  paix a toujours trouvés prêts à s’exiler de nouveau ,  pour aller concourir, par des efforts constants, au  progrès d’une de nos plus utiles industries nationales.

Saint-Pierre, résidence officielle du gouvernement, doit son importance à une rade vaste et  bien abritée et à un port ou barachois qui peut contenir jusqu’à soixante-dix bâtiments de commerce.  Cet avantage tout maritime l’a nécessairement fait  préférer à Miquelon qui est cependant plus considérable et beaucoup moins stérile. L’île aride et rocailleuse l’a emporté sur sa voisine; elle est devenue  le siège des autorités coloniales. Le sol et ses rares  produits sont comptés pour rien par une peuplade de  pêcheurs qui ne vivent que de la mer. Le seul mobile  de leurs actions, les seuls faits qui les intéressent  sont la direction des vents ou des marées, l’approche  et l’intensité des brumes, les mouvements du poisson,  les nouvelles de la pêche.

Langlade était autrefois séparée de Miquelon par  un bras de mer assez large, mais le fond s’étant  élevé graduellement, est maintenant au-dessus de la  surface des eaux, en sorte que les deux îles n’en forment plus qu’une. En 1836, des bâtiments anglais  munis de vieilles cartes se sont perdus sur la langue  de terre basse et sablonneuse qui les réunit.

L’histoire de ces îles ne présente quelque intérêt qu’à partir de l’époque où elles devinrent le refuge  des colons français de Terre-Neuve. Les Anglais s’en  rendirent maîtres en 1778 et y détruisirent tous nos  établissements. Les habitants, au nombre de douze  cents, furent forcés de se retirer en France.

Le traité du 23 septembre 1783 nous rendit St.Pierre et Miquelon. Les anciens colons retournèrent  dans leurs îles dont les Anglais s’emparèrent de nouveau en 1793.

Tous les dix ans les pauvres pêcheurs voyaient  ruiner leurs chétives bourgades au moment où elles  commençaient à renaître de leurs cendres.

En 1802, le traité d’Amiens remit les pêcheries  françaises sur le même pied qu’avant la guerre ; en  1803, elles retombèrent encore au pouvoir de  l’ennemi.

Enfin, en 1816, on équipa une expédition pour  aller occuper de nouveau notre archipel abandonné,  et les déportés de 1794, au nombre de six cent-cinquante , formant cent trente familles, y furent ramenés aux frais du roi. Cette malheureuse population, ballotée de l’un à l’autre hémisphère partant  de révolutions successives , revint se fixer dans ses  îlots sauvages, pour continuer sa lutte éternelle  contre la misère , les rigueurs de l’hiver et la fureur  des éléments.

Une semblable colonie paraît être le contraste de  ses soeurs aimées du soleil, où la terre produit sans efforts. Ici, c’est à la mer qu’on doit tout : le poisson,  la morue sont à peu près l’unique richesse. A SaintPierre et Miquelon, un sol ingrat, un ciel sévère,  une température glaciale, un labeur de chaque jour  qui, bien souvent, ne suffit point pour assurer la  vie matérielle, et des dangers perpétuels menaçant  quiconque se livre à la pêche ou même à la chasse,  car du moins on n’y manque pas encore de gibier.

LES ILES SAINT-PIERRE ET MIQUELON.

L’île inculte et montagneuse de Saint-Pierre, qui  a environ quatre lieues de circonférence, est formée  d’énormes blocs rocheux dont des croûtes de lichens  cimentent les anfractuosités profondes. Imprudent  qui se fie à ce terrain uni en apparence. Une crevasse s’ouvre tout à coup sous ses pieds. II roule  dans le précipice caché sous un amas de mousse et  de feuilles entrelacées, Le roc est couvert en quelques  endroits d’une très-mince couche de terre noire où  croissent des broussailles de sapin et des ronces  dont la triste verdure et le faible développement attestent assez le peu d’aliments qu’offre le fond. Cà  et là se trouvent d’étroites plaines bourbeuses où  végètent des plantes grasses et aquatiques. Plus loin  des ravins marécageux donnent cours aux eaux provenant de la fonte des neiges ; ils aboutissent à des  étangs dont le trop plein se jette à la mer. Tel est le récif où s’élève le chef-lieu de nos établissements de pêche. Là, dans une petite ville bâtie  auprès du barachois, séjournent des autorités fières  sans doute de leur importance locale. A ce bout du  monde oublié, il y a aussi des intrigues pour la prépondérance et le pas dans les cérémonies, des pouvoirs rivaux et une guerre intestine entre les hauts  et puissants seigneurs du crû. Mais quand César a  déclaré qu’il aimerait mieux être le premier dans un  hameau que le second dans Rome, peut-on reprocher au vieil officier de marine en retraite qui gouverne Saint-Pierre et Miquelon avec le titre de commandant particulier, d’être heureux et fier de sa  suprématie transatlantique ? Les autres personnages  marquants de la colonie sont : un sous-commissaire  de marine remplissant les fonctions d’inspecteur-colonial ; un commis de marine-, chef du service administratif et quelques employés subalternes du commissariat ; un chirurgien de la marine de première  classe, chirurgien en chef et chargé de l’intendance sanitaire ; un chirurgien de troisième classe  en sous-ordres ; un capitaine du port; un trésorier;  un juge de première instance faisant office de notaire;  un curé avec le titre de préfet apostolique et un vicaire. Une brigade de gendarmerie compose toute  la force armée du pays.

La petite ville n’a que deux rues non pavées qui  suivent à peu près le sens de la côte. Elle est défendue par un méchant fortin intitulé fort d’Italie,  dont toute l’artillerie consiste en deux canons sans  affûts. L’hôtel du gouvernement, situé en face du  débarcardère, très-près de la grève, est le principal  édifice de la cité. Il est à un étage et construit en  bois. Quatre pièces de quatre braquées en batterie  sur sa terrasse, lui donnent un certain air belliqueux,  médiocrement de nature à inspirer le respect par  le temps de monstrueux engins que nous enfante  l’artillerie contemporaine. Du reste, cet hôtel a le  mérite de renfermer un billard, unique délassement  des infortunés que le sort exile dans notre moderne Sériphe.

L’on remarque encore à Saint-Pierre la boulangerie attenante à la maison du commandant, deux  grands magasins appartenant à l’État et l’hôpital  desservi par quatre sœurs de Saint-Vincent-de-Paul.  — Il peut contenir une cinquantaine de lits destinés  aux marins de l’État ou du commerce, aux employés  et aux indigents de la colonie. Auprès de l’hôpital,  se trouve une école de jeunes filles dirigée par des  religieuses.

Enfin, il y a une église, petite chapelle fort simple,  parfaitement bâtie en bois comme tous les établissements et les maisons particulières ; elle est assidûment fréquentée par les pêcheurs et leurs familles.  Pendant les gros temps, les femmes vont y prier  pour leurs fils et leurs maris exposés dans de frêles barques à être chavirés par les vents ou engloutis  par les lames ; après le retour dans le barachois, souvent les marins s’y viennent agenouiller avant de  rentrer dans leurs cases. Des ex-voto appendus à  ses murs attestent la piété de la population qui,  tous les dimanches, s’y réunit en habits de fête  pour les offices divins. Le peuple matelot de Saint-Pierre et Miquelon a conservé au-delà des mers la  foi qui soutient et l’espérance qui console. Les paroles du vieux prêtre de cette paroisse française,  reléguée à huit cents lieues de la métropole, sont  religieusement recueillies; elles raffermissent le  courage du pauvre colon, elles l’aident à supporter  le poids de sa vie de privations et de périls.

Les maisonnettes dont les américains apportent les  matériaux, ont un aspect de propreté agréable.  Elles se composent d’un fort échafaudage de poutres  et de solives doublement bordé de madriers peints  en dehors, tapissés au dedans. Les cheminées sont  en briques ; les charpentes solides et capables de  résister à la pression des neiges sous lesquelles l’île  entière reste ensevelie pendant une partie de l’hiver.  Enfin les toitures sont faites de petites planches de  chêne clouées à recouvrement, minutieusement ajustées et barbouillées d’une épaisse couche de couleur  ardoise. On prend ces précautions, moins contre le  froid que contre une sorte de neige appelée poudrin  ou poussinière, qui, semblable à la poussière la plus fine, se glisse dans les maisons en dépit des  doubles vitraux dont chaque croisée est garnie.

Les Miquelonnais ont emprunté à la langue maritime presque toutes leurs expressions particulières,  ils ont donné à leur neige ténue et pénétrante, le  même nom qu’à cette pluie subtile que les vagues ,  en se brisant, répandent sur les côtes et à bord des  navires. Le poudrin tombe si abondamment, que fort  souvent en une seule soirée, il obstrue toutes les  portes. Le sol s’élève ainsi subitement à la hauteur  des mansardes ou des toits, et les voisins réunis à la  veillée se voient forcés de sortir par les fenêtres ou  les cheminées pour regagner leurs gîtes. Heureusement la blanche surface se glace et devient solide en  peu d’instants. Dans une maison située entre cour et  jardin, il existait une fontaine d’eau de source qui ne  gelait jamais ; la chute de la neige ayant obstrué le  chemin, les gens du logis creusèrent une espèce de  tunnel qui allait jusqu’à la fontaine. La voûte était  diaphane comme un verre laiteux, et cependant assez  résistante pour qu’on put marcher dessus sans aucune  crainte.

Bien que les îles Saint-Pierre et Miquelon soient  situées par le 47e degré de latitude, c’est-à-dire  environ trente lieues marines plus au Sud que Paris,  leur température est à peu près celle de Stockolm ou  de Christiania. L’on sait que la bande isotherme qui  passe en Europe au 60edegré de latitude, comprend dans l’Amérique septentrionale, Terre-Neuve et ses  dépendances. Avec des jours égaux à ceux de France,  ces îles sont une seconde Norwège où les phénomènes  de l’hiver ont la même rigueur que dans les sombres  régions d’Odin.

Vers la fin de novembre, une immense barrière de  glace se dresse autour de Terre-Neuve dont la plupart des baies deviennent inabordables. A partir du  rivage jusqu’à trois lieues en mer, s’étend une ceinture de monts gigantesques aux formes étranges et  fantastiques. Les premiers bâtiments qui arrivent  d’Europe l’année suivante (ce sont d’ordinaire les  Basques ), ne peuvent parvenir à se frayer un chemin à travers ces dangereux blocs flottants, et s’y  amarrent jusqu’à ce que la banquise se rompe. Alors  ils se hasardent dans les canaux ouverts devant eux  et atteignent ainsi le plus souvent, les côtes le long  desquelles le dégel est déjà terminé.

Cependant les communications des îles françaises  avec le reste du monde ne sont pas interrompues. Les  courants éloignent les bancs glacés de leurs havres ;  et la navigation n’est guère suspendue que pendant  les trois mois de février, mars et avril, ce qui arrive  uniquement parce que les bâtiments destinés à recueillir et transporter les produits ne partent de  France qu’au commencement du printemps. C’est  donc à tort que les adversaires de nos pêcheries permanentes leur ont reproché d’être hors d’état de faire  le commerce durant la majeure partie de l’année. Comme tous les habitants des pays froids, les  colons de Saint-Pierre et Miquelon mènent deux  existences bien distinctes ; l’une, d’intérieur et  d’isolement lorsque l’hiver les emprisonne dans leurs  demeures ; l’autre, de mouvement et d’activité lorsque  la belle saison rouvre la pêche et que plus de trois  mille bâtiments accourent de tous les points du globe  sur le grand banc et dans les rades de Terre-Neuve.

A quinze milles au Nord-Ouest de Saint-Pierre  s’étend Miquelon, beaucoup moins désolée, couronnée  qu’elle est par des bois de sapins et de bouleaux,  peu vigoureux mais épais, et comparativement  grande, car elle a près de quinze lieues de tour. Langlade en a huit ou neuf. — De beaux cours d’eaux  où l’on pêche la truite saumonnée, de vastes prairies  susceptibles de culture dans lesquelles la fraise croît  indigène, des paturages pour les bestiaux et des  plaines marécageuses abondantes en gibier, font de  Miquelon un paradis terrestre, pour celui qui vient  de Saint-Pierre dont la nudité lugubre et les rochers  d’un gris rougeâtre jettent la tristesse dans l’âme.

Langlade surtout est fertile et bien boisée ; depuis  1834 environ, elle est habitée par des agriculteurs  venus de France qui ont défriché des terrains et qui  élèvent des bêtes à cornes et même des chevaux.  Grâce à ces rares cultivateurs, les provisions sont  devenues même à Saint-Pierre d’un prix aussi modéré  qu’en Normandie ou en Bretagne. Les habitants ne sont pas obligés d’avoir recours comme autrefois aux  Anglais de Terre-Neuve; ils sont désormais affranchis  de la ruineuse assistance de leurs voisins. La création  de trois ou quatre fermes due au gouverneur Brue a  été du plus heureux secours pour la colonie. Miquelon  est dirigée par un commis de marine qui a sous ses  ordres quelques gendarmes. Un chirurgien de troisième classe, aidé par des religieuses, y fait le service de santé.

Pour compléter la description topographique de  notre petit archipel, il suffit de citer l’île du Grand  Colombier, espèce de morne, refuge ordinaire des  madres, des godes et des pingouins macareux qui s’y  trouvent en assez grande quantité pour dérober entièrement la vue de la terre; — l’île Verte peuplée  d’alcyons et d’eiders, oiseaux dont on tire l’édredon;  — l’îlot Vainqueur fertile en paturages , où l’on  récolte en juin et en juillet une sorte framboise appelée plats de bière par les colons ; — enfin, l’Ile-aux-Chiens habitée par quelques pêcheurs et tapissée de  lambeaux de verdure.

Les îles de Saint-Pierre et Miquelon sont très-accidentées ; on y rencontre une foule de sites pittoresques  d’un aspect grave d’ensemble, beau de détails. Au  commencement de l’été, quand le rideau de brouillards  se déchire et qu’un pâle rayon de soleil vient se jouer  sur les montagnes couvertes de neige, de larges effets  de lumière se produisent de toutes parts. En premier plan les lames bleues se brisent aux grèves; autour  des criques sablonneuses, s’élèvent en amphitéatre  des terrains tourmentés comme par des convulsions  volcaniques; plus loin des rochers sombres et des  arbres couverts de mousses dorées se détachent sur  un fond éclatant. Malheureusement, les brumes dérobent presque toujours au regard ces magnifiques points  de vue. Même pendant les mois les plus beaux de  l’année, l’atmosphère se charge tout d’un coup d’épaisses vapeurs, et le pêcheur entouré d’écueils, redoute la rencontre des navires dont le choc menace sa  fragile embarcation. Aussi que d’heures d’angoisses  pour la famille du colon absent quand il est surpris  par ces brouillards qu’amènent les vents de Sud-Est. On se porte sur le rivage, on prête l’oreille  aux bruits du large, on est aux écoutes pour entendre  le son de la trompe dont le marin égaré se sert pour  se faire reconnaître. Si la conque retentit, on lui  répond de terre; les signaux succèdent aux signaux  sans interruption. Quelquefois le bruit s’éloigne ; une  profonde terreur s’empare de ces vieillards, de ces  femmes, de ces enfants assemblés à la rive; mais le  plus souvent la clameur se rapproche et le bateau  triomphant rentre dans la darse protectrice. Alors c’est  une joie des plus vives, on accourt au devant des  matelots, on les fête, on les embrasse, comme si l’on  eût été séparé d’eux par une longue absence. C’est  qu’il arrive aussi bien des fois que les chaloupes périssent au large.

L’habitude de corner pour nous servir du mot  propre, est générale dans le pays. Les jours débrouillards, les hurlements des corneurs se mêlent aux sifflements des vents; tout autour des îles jusqu’à plusieurs lieues en mer, retentit la sinistre voix des  trompes marines, car il est digne de remarque que  ce lugubre signal de détresse perce toujours la tempête. Peut-être les vibrations sont-elles rendues plus  sonores par l’état même de l’atmosphère, c’est du  moins ce que tendraient à démontrer les fréquentes et  dramatiques expériences des pêcheurs de Saint-Pierre  et Miquelon.

Enfin les barques sont arrivées saines et sauves,  elles se sont amarrées à l’abri ; femmes et enfants  s’empressent d’aider les marins à décharger le poisson.  On le traîne dans les chaufauds, — (échafauds ou ateliers établis sur les côtes) —, on l’apprête, et puis  on l’étend le long des graves (sortes de terrains unis  sur lesquels on a disposé à l’avance des cailloux ou  galets, et même du menu bois).

« S’il est une population laborieuse et digne d’intérêt, dit, à ce propos, M. Marec dans une savante  dissertation concernant nos grandes pêches, c’est assurément celle du rocher de Saint-Pierre, qui, par  l’activité constante de ses habitants offre le spectacle  d’une ruche d’abeilles. »

Pendant cinq mois de l’année, c’est-à-dire depuis  la fin de mai jusqu’au milieu d’octobre, ils sont exclusivement occupés de la récolte et de la préparation  de la morue, au moyen de laquelle, ils se procurent  à grand’ peine de quoi vivre pendant les sept autres  mois. Souvent même leurs efforts n’y suffisent pas  et quand l’hiver vient les condamner à l’inaction,  ils périraient de froid et de faim, si le gouvernement  ne leur fournissait quelques rations de bois et de farine.

Pour apprécier dignement les services rendus par  la colonie de Saint-Pierre et Miquelon, il faut se  rappeler que ce faible débris de nos anciens et vastes  domaines de l’Amérique septentrionale, est à la fois :  une fabrique et un entrepôt de morue, un port d’où  l’on expédie des chargements à la Martinique et à la  Guadeloupe, un débouché commercial plus considérable qu’on ne le croit généralement, et un lieu de  relâche assuré pour les nombreux navires que nous  envoyons tous les ans sur le grand banc et à l’île de  Terre-Neuve.

La population, du reste, se subdivise en trois  classes : — les pêcheurs sédentaires au nombre de  huit cents environ ; —puis trois ou quatre cents pêcheurs hivernants qui s’adjoignent aux premiers et  partagent tous leurs travaux pendant une ou plusieurs  années ; — et enfin trois cents passagers qui ne séjournent dans les îles que durant la saison des pêches.

C’est au moyen de ce surcroît temporaire de marins et d’ouvriers que la petite colonie parvient à  équiper une cinquantaine de goélettes pontées, et près de trois cents embarcations baleinières ou warys qui  vont pêcher sur les fonds avoisinants, et jusques dans  les havres du Cod-Roy et de Saint- Georges (à la côte  occidentale de Terre-Neuve). Elle occupe cinq cents  personnes aux manipulations des chaufauds et des  graves, et emploie en outre, plus de mille marins et  de cinquante navires français à exporter directement  aux Antilles les produits de sa pêche particulière.

Ceux des colons sédentaires qui ne sont pas pêcheurs proprement dits , quoiqu’ils partagent cette  dénomination avec leurs compatriotes, exercent tous  des professions relatives à la marine. Les femmes  travaillent aux agrès et aux voiles ; les charpentiers,  les calfats, les forgerons sont nombreux à St-Pierre,  et quand un bâtiment vient se radouber dans le barachois il y trouve toutes les ressources qu’offrirait un  de nos ports d’armement.

Pendant trois ou quatre mois, la rade est couverte  de navires : les uns chargés de sel, de farine, d’eau-de-vie et d’objets manufacturés, les autres venus pour  prendre des cargaisons de morue. Il convient d’ajouter  que, malgré les franchises et les immunités dont  jouissent les îles Saint-Pierre et Miquelon , le commerce des Anglais et des Américains entre à peine  pour un quart dans les importations, dont la valeur  s’élève à plus d’un million en ce qui concerne la  France.

Au moment du concours des navires sur la baie, la petite ville s’anime et devient bruyante, les marins  étrangers envahissent les cabarets du pays, et souvent  la gendarmerie ne peut parvenir à maintenir le bon  ordre. Le gouverneur requiert , en ce cas, l’équipage d’un petit navire de guerre spécialement attaché  au service de la station locale.

Après avoir passé la première moitié de la saison,  dans les baies désertes de Terre-Neuve ou sur le banc,  les matelots de long-cours ont besoin de plaisirs et  troublent le repos de la paisible bourgade. Une rixe  et une arrestation nocturne, un de ces épisodes si  communs dans nos ports, sont les grands événements de l’été qui serviront de texte aux récits de  l’hiver.

Mais il est une scène, d’une nature bien différente,  qui se reproduit presque tous les ans; scène touchante et primitive qui fait encore l’éloge des moeurs  patriarchales du colon, et dont l’origine pieuse se rattache à l’époque où tous les Canadiens étaient sujets  du roi de France.

Le souvenir de ces temps ne s’est pas effacé de la  mémoire des indigènes. Après tant de révolutions et  de bannissements, après de si longues séparations,  ils se rappellent toujours leurs frères de France, dont  ils ont embrassé la religion sans renoncer toutefois  à l’existence et nomade de leurs aïeux.

Les Gaspésiens ou Micmaks (Souriquois) habitaient  jadis, la côte orientale du Canada, et les îles voisines.

Aujourd’hui ceux d’entr’eux qui étaient chrétiens se  sont réfugiés à Terre-Neuve. La tribu expatriée qui  a suivi de loin l’exil des colons français de l’Acadie,  veut que ses dépouilles mortelles dorment sur la même  terre que celles de ses compatriotes blancs. Au retour  du printemps, une flottille de pirogues indiennes,  s’échoue aux graves des pêcheurs. — Ce sont les  naturels qui descendent en pèlerinage à Saint-Pierre,  amenant avec eux leurs morts et leurs nouveaux nés.  Une croix de bois à la main, ils se dirigent vers la  ville, entrent dans les cases des habitants, les saluent du nom de frères, et leur demandent à boire,  à manger, à reposer sous leurs toits. Toutes les cases  leur sont ouvertes; les pêcheurs accueillent avec  joie, ces hôtes simples qui n’ont oublié ni les traditions du passé, ni la langue de leurs anciens maîtres.  Puis, tous ensemble se rendent à la chapelle; les  enfants des sauvages sont baptisés par le prêtre catholique ; l’office des morts est récité en commun pour  les trépassés ; et l’on va processionnellement au cimetière , afin d’inhumer dans une terre bénie, ces indigènes fidèles, même après le dernier soupir, à leurs  nobles sympathies et à leurs sentiments religieux.  Au bord d’une, fosse profonde, lentement fermée, Indiens et pêcheurs s’agenouillent et prient pour les  âmes des défunts. Une modeste croix plantée sur cette  vaste tombe apprend à l’étranger le lieu ou gisent à  jamais les ossements des fils chrétiens de l’antique famille de Lennappe (1). Ainsi les plus puissants des  liens, la foi et la charité, unissent encore de nos  jours les descendants des naturels de l’Acadie et les  neveux de ses anciens colons.

Les Miquelonnais qui forment un peu plus de la  moitié de la population sédentaire, sont issus sans  mélange des Acadiens ; tandis que les habitants de  Saint-Pierre sont de race acadienne mêlée de sang  normand. Des Basques et des Bretons ont aussi droit  de cité dans la petite bourgade ; mais les Indiens n’établissent pas de distinctions entre les uns et les autres,  ils les savent tous catholiques et français d’origine, ils  leur demandent également à tous, l’hospitalité pour  eux-mêmes, et des prières pour leurs morts.

Lorsque le devoir sacré est accompli, que les honneurs funèbres ont été rendus aux manes de ses pères,  que l’eau lustrale a coulé sur le front de ses enfants,  le naturel retourne à ses canots, les décharge et  offre au colon en échange de produits manufacturés,  des peaux de renard argentés, d’ours , de martres,  de rats musqués et de castors. Peu de jours après  les frères rouges donnent le baiser d’adieu à leurs  frères blancs, remontent dans les pirogues et s’éloignent pour retourner dans la grande île de TerreNeuve.

La domination anglaise n’a pu détruire chez cette  peuplade reconnaissante le souvenir de notre règne  sur son territoire. Les indigènes ont malheureusement appris quelle différence réelle a toujours existé  entre notre conduite envers les habitants des pays  conquis et celle de nos rivaux d’outre-mer. Les paroles du grand roi recommandant à ses vice-rois et  gouverneurs, de ménager ses bons et loyaux sujets  de la Louisiane et du Canada, de les traiter avec justice, humanité et douceur, de respecter leurs usages,  leurs propriétés, leur indépendance, retentissent  encore dans les coeurs des Indiens du Nord Amérique.  Et si nous ne craignions de nous laisser entraîner hors  de notre sujet par des réminiscences qui nous ont profondément ému bien des fois, nous pourrions citer des  traits nombreux de protection accordée par les sauvages des rives des grands lacs, à des émigrés aventurés dans leur contrées, à des prisonniers français  déserteurs ou à des fugitifs que la tyrannie britannique forçait d’abandonner Québec, Montréal ou  les bords des Trois Rivières.

Mais d’après un préjugé contre lequel on ne saurait assez protester, la France se croit incapable de  colonisation. Le Canada, la Louisiane, Saint-Domingue prouvent le contraire, qu’importe ! Il serait  facile de démontrer que les Français doivent au liant  de leur caractère le don de s’attacher les naturels,  — qu’au Brésil, à Madagascar, en Guinée ils réussirent dès l’origine mieux que les autres Européens,  — qu’en général ils furent les moins barbares envers  les indigènes,,— que souvent ils s’en firent des auxiliaires dévoués, — et enfin que des revers maritimes,  militaires ou financiers ont seul causé l’évacuation des  territoires où ils s’étaient établis. En interrogeant  avec soin les documents historiques, on verrait que  nos pionniers et nos aventuriers ont de tous côtés fait  des merveilles, que parmi nos fondateurs et gouverneurs de colonies, il en est qui, comme Mahé de  La Bourdonnais, accomplirent des prodiges de talent,  de patience, de génie ; — et l’on se convaincrait de  l’inanité d’une assertion continuellement répétée à la  légère. Par malheur, elle a été répétée si souvent  qu’on ne peut guère espérer sa réfutation. L’erreur  est invétérée ; l’opinion fausse et fatalement décourageante, est devenue en quelque sorte historique.

L’emphase déclamatoire de Raynal y a singulièrement contribué. Accommodant les faits aux besoins de  sa thèse, l’auteur de l’Histoire philosophique des  deux Indes où jamais une source authentique n’est  indiquée , en a toujours assez dit lors qu’à propos de  toutes choses il a crié à la superstition, au fanatisme,  à la corruption de la cour et à l’incapacité du gouvernement français.

Plût à Dieu, pour le bonheur de leurs peuples primitifs que la Louisiane et le Canada ne nous eussent  point échappé ; — plût à Dieu que l’Acadie et Terre-Neuve fussent encore à la France. Il ne nous reste en  ces contrées que quelques pauvres îlots ; eh bien ! en  présence des excès de la race anglo-saxonne dans  l’Amérique du Nord, cela suffit pour fournir un  exemple de ce que notre domination passée avait  d’humain et de fraternel.

A Saint-Pierre, l’été rend toutes les industries  florissantes ; des canots sillonnent la rade, accostent  aux quais, chargent, déchargent et transportent les  marchandises, ou bien gagnent la plaine mer pour  conduire les marins aux fonds de pêche.

Dans les ateliers et aux alentours du port, les  ouvriers des professions maritimes se multiplient pour  faire face à leurs nombreux engagements. Ici l’on  dégrossit des espars , là l’on ajuste des pièces de mâture , plus loin on répare un navire abattu en carène.  Les sêcheries sont le théâtre d’une activité sans  égale ; on empile , on emboucaute, on emmagasine  la morue apprêtée, on fait subir les opérations nécessaires à celle mise récemment à terre. De toutes parts  retentissent les chants des matelots qui virent aux  guindeaux de lourds appareils ou qui établissent les  huniers, ceux-ci pour aller directement en France,  ceux-là pour faire un rapide voyage à la Martinique  et revenir bientôt prendre une nouvelle cargaison.  A chaque moment des voiles sont signalées, l’on  apprend ce qui se passe au grand banc et à TerreNeuve , la population s’intéresse vivement aux moindres détails. C’est de la récolte qu’il s’agit, et l’habitant est aussi attentif à ces faits de mer, que le fermier aux pluies ou aux chaleurs qui fécondent ses  semailles, et aux orages qui menacent ses sillons  jaunis.

Notre petit archipel si populeux et si actif pendant  l’été, doit être considéré encore avec intérêt sous le  rapport de sa végétation à la même époque. Dans les  ravins de Miquelon et les endroits cultivés, ce qui  se borne pour Saint-Pierre , à d’étroits jardins de  terre rapportée , tout semble sortir du néant et s’élancer vers la vie avec passion. Au contact d’une température parfois aussi élevée qu’en France, la nature  se réveille en sursaut; elle enfante avec d’autant  plus de vigueur que les beaux jours ont moins de  durée. Les bourgeons se développent en une nuit,  la sève circule et monte avec force, la croissance et  la maturité des plantes sont rapides, une chaleur  fécondante pénètre les arbres, les fleurs et les fruits.  Mais les produits trop hâtifs manquent de saveur, les  roses et les oeillets n’ont que de faibles parfums,  et les habitants les moins étrangers à l’horticulture  ne peuvent obtenir que des légumes fades auprès  des nôtres.

C’est une fête, pour les colons que le moment où  leurs îlots se parent de verdure et de fleurs, ils  oublient alors les sombres nuits d’hiver où, accroupis  auprès d’un pâle foyer ils réparaient, les filets, les lignes et les hameçons ; ils ne songent plus à ces  tristes journées où, bravant l’intempérie des éléments  ils allaient poursuivre sur les neiges , au péril de la  vie , la perdrix, le moyac et le canard de roche.

La brume, si souvent fatale au Miquelonnais désorienté dans sa barque de pêche, n’est pas moins  funeste au chasseur. Quand elle confond tous les objets  sous son voile opaque, et que le poudrin a effacé la  trace de ses pas, il ne peut plus reconnaître son chemin, erre au hasard dans un horizon étroit et triste  comme un cercueil, et périt souvent de froid à peu de  distance des habitations. Sa famille frémit d’inquiétude, mais nul ne peut maintenant aller à sa rencontre; on se borne à tirer des coups de fusil par les  cheminées afin de lui indiquer la direction de sa  demeure.

Ces terribles brouillards frappent encore l’habitant  dans son unique industrie. Ils détériorent le poisson  en l’empêchant de sécher. La morue gâtée de la sorte  est dite brumée, elle n’a plus de valeur marchande.  Le pauvre pêcheur perd ainsi tout à coup le fruit de  son labeur, et qui sait si demain le soleil se montrera  radieux ; qui sait si les mêmes pertes ne doivent pas  être occasionnées par un nouveau vent du Sud-Est.  Malgré cela, les soins vigilants de la population et  sa longue expérience des travaux de sêcherie, font  que la morue de Saint-Pierre et Miquelon est plus  estimée qu’aucune autre dans le commerce, et sur- tout aux Antilles où cette denrée est de première  nécessité pour la nourriture des noirs.

Lorsque la rade se dégarnit et que les passagers  abandonnent la colonie, le pêcheur sédentaire en  voyant approcher l’instant où il sera confiné dans sa  case, se hâte d’aller chercher à Miquelon du lard et  du beurre pour l’hiver. Chacun se fournit de gibier,  de volailles et d’énormes quartiers de viande qu’on  suspend aux fenêtres des mansardes. Ces provisions  ne tardent pas à être parfaitement gelées et pourraient se conserver ainsi jusqu’au printemps. Afin de  les couper en morceaux on est obligé de se servir de  la scie.

Le colon retiré dans son intérieur sort rarement du  petit cercle qui renferme ses affections.

L’hiver est l’époque où l’on s’occupe surtout de  l’éducation des enfants, car l’été ils suivent leurs  parents dans les embarcations ou sur les grèves.  C’est autour des petits poöles de fonte allumés dans  la salle commune, que les mères de famille leur  apprennent de bonne heure la résignation et la  patience. Quelques lectures rompent la monotonie  de la longue réclusion; des travaux d’aiguille sont  l’occupation des jeunes filles, pendant que les garçons  étudient ou aident les vieillards à la confection des  objets nécessaires à la pêche prochaine. L’habitant  a toujours un nombre considérable d’enfants; pour  lui, comme pour le pasteur des temps antiques et le paysan de nos campagnes, ils sont, une richesse dont  il se fait gloire. Aussi la population fixe s’est elle  accrue de plus d’un tiers depuis notre dernière prise  de possession. Le climat du reste, est très-salubre,  bien que la froidure dépasse quelquefois 25 degrés  centigrades au-dessous de 0, tandis que la chaleur  s’élève vers le mois d’août jusqu’à 24 degrés. Les  vieillards sont très-nombreux, et l’on n’a d’autre  exemple de maladies graves que celles eugendrées  par la misère et la mauvaise qualité de nourriture.  Le régime des plus pauvres consistant uniquement en  morue et en poissons secs, donne lieu en effet aux  mêmes accidents que peut causer l’abus des viandes  salées. L’antidote , le remède du scorbut et des autres  maux du même genre se trouve heureusement dans  la boisson ordinaire des habitants, —le spruce ou  sapinette que chaque famille prépare chez elle.

La sapinette est une décoction de copeaux, de  branches, de feuilles et surtout de jeunes pousses de  sapin qu’on fait bouillir d’abord avec quelques poignées de genévrier dans une vaste chaudière. Après  avoir retiré le bois , on transvase le résidu dans une  barrique où l’on jette de la mélasse , de l’eau-de-vié  et du biscuit pilé afin d’accélérer la fermentation.  Au bout de vingt-quatre heures le résultat des opérations est potable ; mais les étrangers ne s’habituent  pas aisément au goût prononcé de térébenthine qui  domine dans le mélange. Cette liqueur précieuse au colon , à la fois saine et économique est à peu près  le seul produit particulier au pays à moins qu’on ne  veuille compter comme tel, une sorte d’herbe assez  fade qui y sert de thé et qu’on nomme thé de James.

On a pu voir qu’il n’y a pas à St-Pierre et encore  moins à Miquelon de société proprement dite. La  tribu de pêcheurs a les moeurs simples des races  primitives. Comme le sauvage auquel il a succédé  dans ces froides régions , le colon ne connaît que la  chasse et la pêche, sa cabane est un wigwam où il  vient se reposer de ses travaux , il ne comprend  d’autre réunion que celle du dimanche à la chapelle ;  il méprise les orgies des matelots français ou américains, il ne fraye pas avec les marchands et les industriels qui arrivent de France pour spéculer sur sa  misère et lui vendre fort cher de méchantes pacotilles.  Ceux-ci, peu nombreux d’ailleurs, ne séjournent  jamais longtemps sur les îles.

Ce qu’on pourrait appeler le Monde, se réduit  donc à quelques familles d’employés ; mais elles sont  fort rares; la plupart des agents du gouvernement  ne veulent pas faire partager à leurs femmes l’exil  auquel ils sont condamnés et les laissent en France.  L’existence de tous en est d’autant plus triste. Ils ne  trouvent autour d’eux aucune des ressources de la  vie, pas même d’auberge où ils puissent prendre  leurs repas, ce qui les oblige souvent à faire leur  cuisine eux-mêmes et à s’occuper des plus intimes détails d’un ménage de garçon. Le seul plaisir qui  leur reste est la chasse dont on connaît les périls.  Pendant que la population est tout entière sur les  graves, ils s’y livrent avec fureur, et descendent  quelquefois à Miquelon où l’on rencontre le renard  et le loup marin fort recherché à cause de sa fourrure. A certaines époques, ils chassent aussi la  poularde , la bécassine, le courber, et à leur défaut le calculot et le goéland qui abondent toujours  aux bords de la mer. Les employés font aussi volontiers la pêche dans les étangs et les rivières de Langlade que leur abandonnent sans partage les infatigables moissonneurs de morue. Une petite maison de  campagne appartenant au gouverneur est alors le  point de rendez-vous dans cette dernière île , mais  les absences ne sauraient être longues, car les devoirs du service rappellent bientôt chacun à son  poste et à ses ennuis.

Pour habiter notre archipel terre-neuvien, il faut,  ainsi que le pêcheur, porter à l’excès l’insouciance  commune à tous les matelots, ou bien être doué d’une  de ces natures contemplatives qui, se renfermant en  elles-mêmes, sauraient trouver le désert au milieu de  nos plus bruyantes cités.

(1) Les peuples de la famille Lennappe ou Algonquino-Mohegane, dont les Gaspésiens font partie, sont les mêmes, selon  Vater, que les Chippaways -Delaware, encore nombreux au  Canada.

Grand Colombier

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