23 novembre, 2024

1907 – Situation critique de nos pêcheurs de Saint-Pierre et Miquelon

A travers le monde (Paris. 1895). 1895-1914.
1907 (NOUV SER,A13).

La France à l’étranger
Situation critique de nos pêcheurs de Saint-Pierre et Miquelon

On a récemment annoncé dans la presse qu’un grand nombre des habitants des îles Saint-Pierre et Miquelon quittaient ces îles pour aller s’établir au Canada. Puis ont a constaté que les déboires qui les attendaient au Canada en avaient décidé la plus grande partie à réintégrer leur pénates abandonnées. Quoi qu’il en soit, les habitants des îles traversent, en ce moment, une crise extrêmement grave.
Depuis trois ans, la pêche à la morue, qui est la seule industrie de l’île, a donné des résultats médiocres. Les pêcheries anglaises persistent à refuser aux marins de Saint-Pierre, la boëtte, c’est-à-dire l’appât nécessaire à la pêche à la morue.
Cette situation est inquiétante pour la métropole elle-même : notre flottille de pêche des îles Saint-Pierre et Miquelon (sans compter les 400 petits bateaux faisant la pêche côtière), qui a été des 220 navires, se trouve aujourd’hui réduite à 75 goélettes.
Les armements de Fécamp et de Saint-Malo, les ports de Bordeaux, Bayonne, Marseille, Port-de-Bouc et Martigues se ressentent également du contre-coup, ainsi que, dans un autre ordre d’idées, les ports du Binic, Paimpol et Nantes, qui fournissent de nombreux transports portant du sel à Saint-Pierre et en rapportant des cargaisons de morue.
Plus de 80 000 personnes en France vivent plus ou moins directement de l’industrie de la pêche à Terre-Neuve. Elles se ressentent indirectement de l’état actuel des choses si les îles Saint-Pierre et Miquelon sont plus directement atteintes.
Une des causes de l’abandon de Saint-Pierre et Miquelon est évidemment l’application de notre tarif douaner et l’élévation des droits de port, qui se montent à 3 francs par tonne, alors qu’ils sont de o fr. 50 dans les ports de Terre-Neuve.
De plus, cette petite colonie doit payer sur ses propres ressources une somme annuelle de 100 000 francs pour subvention au service postal; elle est la seule de nos possessions pour laquelle cette dépense postale n’est pas acquittée par la métropole.
M.Légasse, délégué depuis plus de douze ans de Saint-Pierre et Miquelon au Conseil supérieur des colonies, estime que pour relever la situation, il serait nécessaire que le Gouvernement français prît cette dépense à sa charge, en y ajoutant les 700 000 francs de subvention déjà accordés par la Chambre pour l’entretien des phares et divers autres services publics, qui profitent surtout à la marine métropolitaine.
En autorisant en outre la création dans l’une des îles, d’une huilerie de baleine et en établissant un appareil frigorifique qui permette la conservation de la boëtte, tout porte à croire qu’on pourrait restituer à ces deux îles, la prosperité relative qu’elles ont connue jadis.

Grand Colombier

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